Indicators for Children’s Rights

 

 INDICATEURS
RELATIFS AUX DROITS DE L’ENFANT

ETUDE DE CAS DU SENEGAL, 1995

FATOU
FALL DIA, NAFY GUEYE DIAGNE, ABDOUL KARIM GUEYE & SIDY GUEYE

 

 

CHAPITRE I. LES PRINCIPES DE BASE

Nous avons regroupé dans le présent chapitre quatre familles
d’Articles. Nous les avons considéré comme des principes de
base dans une perspective de promotion des droits de l’enfant. Ces Articles
concernent la définition de l’enfant, les droits civils, la vie familiale
et les droits naturels. Mais nous n’aborderons que les trois premières
familles; la quatrième famille, composée des Articles 27 et
29 (niveau de vie et objectifs de l’éducation), nous paraîssant
abstraite pour l’identification d’indicateurs.


I. LA DEFINITION DE L’ENFANT

Article 1: La définition de l’enfant

Pour aborder cette question, il convient en tout premier lieu de rappeler
que le Comité des Droits de l’Enfant a adopté en sa 22ème
séance (15/10/91) des directives générales concernant
la forme et le contenu des rapports initiaux que les Etats parties doivent
présenter conformément au paragraphe 1 a) de l’Article 44
de la Convention. Sous la rubrique relative à la définition
de l’enfant, l’on peut noter ceci:

“Les Etats parties sont priés de fournir des renseignements
sur ce que dans leurs textes législatifs et réglementaires,
il faut entendre par enfant au sens de l’Article premier de la Convention
et d’indiquer en particulier l’âge de la majorité et l’âge
minimum légal fixé à des fins telles que la consultation
d’un homme de loi ou d’un médecin sans le consentement des parents,
la libération de l’obligation scolaire, l’emploi à temps
partiel, l’emploi à temps complet, l’emploi comportant des risques,
le consentement à des relations sexuelles, le consentement au mariage,
l’engagement volontaire aux forces armées, l’engagement sous les
drapeaux, la libre déposition devant les tribunaux, la responsabilité
pénale, la privation de liberté, l’emprisonnement et la consommation
d’alcool ou d’autres substances dont l’usage est réglementé”.

Il apparaît à la lecture de ces diverses composantes de
la définition de l’enfant telle que prévue par le Comité
des Droits de l’Enfant que mention n’est pas expressément faite de
la perception de l’enfant selon la culture. Autrement dit, on ne souligne
pas l’importance qu’il faut accorder à la représentation que
les divers groupes socio-culturels d’un pays donné se font de l’enfance.
Or, dans l’avant dernier paragraphe du Préambule de la Convention,
l’on peut relever: “Tenant dûment compte de l’importance des
traditions et valeurs culturelles de chaque peuple dans la protection et
le développement harmonieux de l’enfant”. A partir de ce premier
constat, se profile la nécessité d’avoir une perspective plus
large pour être en accord avec les préoccupations de Childwatch
International. Cette perceptive de recherche s’impose d’autant plus qu’à
l’heure actuelle, les rapports nationaux adressés au Comité
des Droits de l’Enfant s’efforcent, la plupart du temps de démontrer
que sur le plan législatif, leurs textes sont conformes aux normes
internationales sur lesquelles repose la Convention et que dans les faits
également l’enfant reçoit “une aide et une assistance
spéciale”, droit que rappelle le Préambule de la Convention
en son 4ème paragraphe.

Il n’est pas lieu ici d’entrer dans un long débat de type méthodologique
ou bien de soulever des querelles quant à la pertinence de telle
ou telle approche à adopter. Cependant, il nous semble tout de même
important de rappeler que l’étude de toute catégorie, de tout
segment ou groupe social particulier requiert une prise en compte de la
société globale dans laquelle il s’insère car la structuration
de l’une et la forme des tendances qu’elle reflète est indissociable
de l’autre. Aussi avons-nous jugé utile de rechercher dans la littérature
existante le point de vue des auteurs qui abordent la problématique
du développement de l’enfance ainsi que celui des sociologues et
des anthropologues qui s’intéressent aux questions touchant de près
ou de loin notre préoccupation. Notre recherche sur la définition
de l’enfant s’articule autour de quatre axes ou sources, à savoir:

  • les normes internationales;
  • la législation sénégalaise;
  • la culture (les nuances ethniques);
  • la religion.

Il s’agit à présent de faire le point sur l’état
de nos investigations en prenant soin de dire que nous n’avons nullement
la prétention d’avoir épuisé la question. Pour le moment,
nous aborderons les quatre points précités afin d’être
en mesure de procéder à une esquisse d’analyse comparée.

 

(a) Les normes internationales

Ceux qui s’intéressent aux droits des enfants ont, en général,
comme point de départ la Déclaration Universelle des Droits
de l’Homme de 1948. Par exemple, Jens Qvortrup dans sa communication lors
de la Conférence Européenne sur la Surveillance des Droits
de l’Enfant (déc. 94, p.1) souligne d’emblée: ” Quand
j’ai débuté mes recherches sur l’enfance, quelques années
avant l’adoption de la Convention des Nations Unies sur l’Enfant, je devais
m’informer, entre autres, sur le statut légal des enfants… bien
qu’étant au courant de la Déclaration des Droits de l’Enfant
de 1959, il m’a paru intéressant de voir quelle était la place
de l’enfant dans le “véritable” document sur les droits
de l’homme de 1948 ” (Qvortrup, 1994). Selon J. Qvortrup, il n’y a
que quelques allusions aux enfants; par exemple l’Article 25 qui stipule
que ” La maternité et l’enfance ont droit à une aide
et à une assistance spéciales. Tous les enfants qu’ils soient
nés dans le mariage ou hors mariage, jouissent de la même protection
sociale”. L’on remarque à première vue qu’il n’est pas
fait mention de l’âge, ni d’aucun autre élément de définition.
Par contre il est intéressant de noter qu’il y a un fondement sur
le droit à l’égalité (pas de discrimination entre enfants
nés dans le mariage et enfants nés hors mariage). Ceci dit,
il nous semble nécessaire, pour une meilleure compréhension
des normes internationales qui fondent la Convention, de porter ultérieurement
un intérêt particulier aux dix points constitutifs de la Déclaration
des Droits de l’Enfant du 20 novembre 1959.

Si on revient sur les normes de manière générale
et notamment les bases à partir desquelles sont regroupés
les droits de l’homme, on en distingue cinq: les droits civiques, les droits
politiques, les droits économiques, les droits sociaux et les droits
culturels. Il ne fait aucun doute que les droits de l’enfant font partie
des droits de l’homme; néanmoins il y a des limitations sur le droit
de vote (limite d’âge) et les droits politiques ne sont pas inclus.
A partir de là, l’on est tenté de dire que l’enfant se définit
comme un être humain devant jouir de l’ensemble des droits prévus
dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme à l’exception
des droits politiques. De plus, du fait de sa vulnérabilité,
il a droit à une aide et à une assistance spéciales.
Rappelons aussi que dans la Déclaration des Droits de l’Enfant on
note: “l’enfant, en raison de son manque de maturité physique
et intellectuelle, a besoin d’une protection spéciale et de soins
spéciaux, notamment d’une protection juridique appropriée,
avant comme après la naissance”. Ici, on constate que la mère
n’est pas nommée de manière explicite mais l’on peut comprendre
qu’elle doit être prise en charge avant la naissance de l’enfant et
sans nul doute après sa naissance.

L’évolution des normes internationales vers une définition
spécifique de l’enfant a connu jusqu’ici, si l’on peut dire trois
étapes qui correspondent aux dates suivantes: 1924, 1959 et 1989.
Il nous faut rappeler ici que c’est en 1924 que la Société
des Nations a adopté la “Déclaration de Genève”,
un texte en cinq points établi par l’Union Internationale de secours
aux enfants (DEI/UNICEF, 1987, p.1). L’étape de 1989 marque celle
de l’adoption de la Convention et d’une avancée hors des allusions
et des déclarations du droit non contraignant. En effet, dans son
préambule, il rappelle des éléments contenus dans la
Déclaration des Droits de l’Enfant et dans son Article 1er, il fixe
une limite d’âge (18 ans ” sauf si la majorité est atteinte
plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable
“, Art. 1er).

 

(b) La législation sénégalaise

Le législateur sénégalais a défini deux types
de majorité: l’une est civile, l’autre est pénale.Le code
de la famille en son Article 276 nous offre la définition suivante:

“Est mineur la personne de l’un ou l’autre sexe qui n’a pas encore
l’âge de 21 ans accomplis. Il est pourvu au gouvernement de la personne
du mineur par la puissance paternelle. La question du patrimoine du mineur
est assurée suivant les régles de l’administration légale
ou de la tutelle”.

Dans le Code Pénal, il est fait mention de l’âge limite
de 18 ans dans la partie consacrée aux personnes excusables. En effet,
l’Article 53 stipule: “Si l’infraction commise par un mineur âgé
de plus de 13 ans est un délit ou une contravention, la peine qui
pourra être prononcée contre lui ne pourra s’élever
au dessus de la moitié de celle à laquelle il aurait été
condamné s’il avait eu 18 ans”. Plus loin dans le même
Code, à l’Article 348 l’on peut lire ceci: ” Celui qui, sans
fraude ni violence, aura enlevé ou détourné, ou tenté
d’enlever ou de détourner un mineur de 18 ans, sera puni d’un emprisonnement
de deux à cinq ans et d’une amende de 20,000 à 200,000 francs”.
Bien que l’un de ces deux Articles s’appuie sur la notion d’incapacité
juridique pour limiter les peines et que l’autre se fonde sur le principe
de la protection, ils n’en constituent pas moins des références
quant à l’âge pénal. Par ailleurs, la loi constitutionnelle
n[ring] 91 du 6 octobre 1991, stipule en son troisième paragraphe
que: “Tous les nationaux sénégalais, des deux sexes,
âgés de 18 ans accomplis, jouissant de leurs droits civils
et politiques, sont des électeurs dans les conditions déterminées
par la loi”.

Ceci étant et pour répondre aux questions soulevées
par le Comité des Droits de l’Enfant, il ressort que:

  • la possibilité de consulter un médecin ou un homme de
    loi entre dans le cadre défini par l’Article 276 du code de la famille
    (il appartient à la puissance paternelle d’agir pour le compte du
    mineur);

  • au Sénégal, la scolarisation universelle demeure encore
    un objectif de l’Etat, l’âge d’admission officielle à l’école
    est de sept ans mais il n’y a pas encore de durée obligatoire;

  • l’emploi des enfants ne peut se faire légalement avant l’âge
    de 14 ans et il appartient au Ministre du Travail de “fixer la nature
    des travaux et les catégories d’entreprises interdits aux jeunes
    gens et l’âge limite auquel s’applique l’interdiction” (Article
    140 du code du travail);

  • les relations sexuelles ne sont pas prévues en dehors du mariage,
    l’Article 111 du code la famille précise que “Le mariage ne
    peut être contracté qu’entre un homme âgé de
    plus de 20 ans et une femme âgée de plus de 16 ans sauf dispense
    d’âge accordée pour motif grave par le président du
    tribunal régional après enquête”;

  • l’engagement volontaire dans les forces armées, l’appel sous
    les drapeaux et la libre déposition devant les tribunaux s’alignent
    logiquement sur la limite des 21 ans (à souligner qu’une personne
    âgée de 18 ans peut être enrôlée dans l’armée
    avec l’autorisation de ses parents);

  • la privation de liberté et l’emprisonnement peuvent avoir lieu
    pour des mineurs de plus de 13 ans si les circonstances et la personnalité
    de l’enfant l’exigent (Article 52 du code pénal);

  • la consommation d’alcool ou d’autres substances dont l’usage est réglementé
    par l’Article 328 du Code Pénal est interdite aux mineurs, mais
    celui-ci ne précise pas l’âge même s’il mentionne le
    terme mineur.

Cette tentative de réponse indique qu’il n’y a quasiment pas dans
les instruments juridiques sénégalais de série de textes
spécialement conçus pour les enfants. Les références
que nous avons pu obtenir jusqu’ici sont disparates. A noter aussi qu’il
n’est pas fait mention de référence culturelle dans les définitions
juridiques. D’autre part, comme le disent certains juristes, “l’enfant
n’est pas synonyme de mineur, terme qui fait aussitôt penser au mineur
délinquant, au mineur en danger moral” (Michelet, 1988, p.2).
Or, comme le souligne un autre juriste, “l’enfance est une notion bio-psychologique;
elle précède la jeunesse ou l’adolescence, tandis que la minorité
est une notion juridique qui s’oppose à la majorité”
(Fall, 1990, p.2). Qui plus est, le droit répressif, s’il protège
l’enfant dès sa conception, lui fixe une limite d’âge dont
la base susceptible de la définir ne nous est pas offerte. Un autre
document qui s’appuie très probablement sur des textes réglementaires
nous renseigne sur l’âge minimum pour l’emploi ou le travail qui est
fixé à 12 ans pour les gens de maison et à 14 ans pour
d’autres professions (BIT, 1981), là également n’apparaît
aucune base de définition. On remarque aussi concernant le mariage
qu’il ne peut être contracté qu’entre un homme de plus de 20
ans et une femme de plus de 16 ans (Article 111 du Code de la Famille).
L’on peut être tenté de dire au sujet de cette distinction
entre les deux sexes, qu’il y a des considérations biologiques pour
la femme qui se combinent avec la capacité de prise en charge de
la famille par l’homme. Ceci peut évidemment être considéré
comme une possibilité d’interprétation parmi d’autres et peut
constituer par là, un élément à prendre en compte
dans le débat global.

Toujours est-il qu’il y a effort d’analyse de la part de certains juristes,
ou bien même une remise en question de cette conception restrictive
de l’enfance, pour jeter les bases d’une définition qui aille au
delà des limites d’âge et qui donne à l’enfant une place
lui permettant de jouir de l’ensemble de ses droits et de jouer pleinement
demain son rôle de garant de la reproduction bio-socio-culturelle.

 

(c) La culture

La culture peut être définie comme une manière d’être
propre à un peuple donné à partir de son organisation,
de son fonctionnement et autres rites qui le singularisent. Au Sénégal,
comme nous l’avons déjà montré, il existe plusieurs
groupes ethniques dont les principaux sont les Wolof, les Pulaar, les Sereer,
les Joola et les Manding. A partir des informations auxquelles nous avons
pu accéder en ce qui concerne les groupes ethniques, on constate
que l’enfant n’est pas défini en tant que catégorie spécifique,
mais en référence à la parenté et à l’alliance
(Diop, 1978; Gravrand, 1981). Ce qui est illustré encore de nos jours
par le confiage des enfants et la circulation des enfants à l’intérieur
de la famille élargie. En effet, un enfant peut être confié
par son père ou sa mère à un parent plus ou moins proche
ou à un ami dans le souci de lui assurer une bonne éducation
et une bonne formation ou bien pour qu’il serve d’aide domestique (Savane,
1994, p.131). Il faut comprendre dans tous les cas de figure que la circulation
des enfants matérialise leur appartenance au groupe social et constitue
un élément structurant de l’identité et de la solidarité.
Cette perception du confiage et de la circulation échappe souvent
aux “experts” euro-américains dont le cadre de référence
est limité à la famille nucléaire. A signaler que cette
pratique culturelle ou si l’on peut dire, cet élément de socialisation
n’est pris en compte ni dans le Code la Famille au Sénégal,
ni dans la Convention.

Il nous faut noter aussi que certains auteurs (par exemple Diouf, 1981)
partent de la conception de l’organisation sociale en cercles concentriques
très égalitaires pour justifier l’absence de la pyramide à
classes étagées dans certains groupes ethniques. Ceci pour
rappeler que l’enfant n’est pas perçu comme une catégorie
distincte à l’intérieur du groupe social et de l’environnement
global. Comme tous les êtres (plantes, animaux, hommes), il bénéficie
d’une protection de l’ensemble des droits qui lui permettent de vivre et
de s’épanouir. Il convient de souligner que, pour le moment, parmi
les auteurs rencontrés, seul Gravrand livre des informations sur
les classes d’âge des garçons et des filles Sereer (Gravrand,
1981). L’on remarque quatre classes chez les garçons définies
à partir de l’activité exercée dans le groupe social
et de la formation reçue; chez les filles, il y en a trois.

 

Tableau 9: Classes d’âge des garçons Séreer

Dénomination

SISSIM

Jeunes du troupeau

GAYNAK

Bergers

PES

Jeunes gens

WAYABANE

Jeunes et adultes

Age 8 à 11 ans 12 à 18 ans 19 à 26 ans 27 à 35 ans
Formation Education à partir des interdits Préparation à la circoncision Circoncision, initiation Mariage

 

Tableau 10: Classes d’âge des filles Séreer

Dénomination

FU NDOG WE

Jeunes filles

ROG WE

Adolescents

MUXOLARE

Adultes

Age 7 à 10 ans 11 à 18 ans 19 à 26 ans
Formation Education à partir de nombreux interdits Tatouage des lèvres, Fiançailles Mariage Initiation

Source: Gravrand, 1981, 88

 

On s’aperçoit à partir de ces classifications et des formations
qu’elles comportent, qu’il y a une différence de près de 10
ans entre l’homme et la femme quant à l’âge adulte. De plus,
la part de la formation offerte au garçon en terme de temps est plus
importante. Apparaissent alors des éléments de définition
qui opèrent, d’emblée, une distinction entre fille et garçon:
la fille étant uniquement occupée à se préparer
au mariage, le garçon devant prendre des responsabilités très
tôt dans la gestion des troupeaux.

En ce qui concerne la définition de l’enfant selon la religion,
rappelons que la société sénégalaise d’aujourd’hui
est fortement islamisée (plus de 90% de la population) et du point
de vue islamique, la majorité s’acquiert avec la puberté.
A ce propos Khadim Mbacké, chercheur-islamologue, note que “la
Convention fait une concession aux législations inspirées
du droit musulman qui fixe la majorité à un âge inférieur
à 18 ans” (Mbacké, 1994, p.69).

Les quelques éléments que nous venons de livrer ne sont
certes pas exhaustifs mais ils démontrent la nécessité
pour les chercheurs d’analyser davantage la culture afin de rendre disponibles
les définitions qu’elle recèle sur l’enfance. Au demeurant,
trois questions qui constituent des pistes de recherche sont à soulever:

  • la notion de “propriété” (l’enfant “appartient”
    au père uniquement ?);

  • le sens actuel de la circoncision, en milieu urbain par exemple ( rite
    de “purification” ou transition vers l’âge adulte);

  • la définition du jeune en milieu rural actuel (le passage à
    l’âge adulte est-il subordonné à l’indépendance
    économique, à un rite initiatique ou dépend-il de
    l’utilité de l’individu vis à vis du groupe social ?).

 

(d) Esquisse de comparaison

Nous avons vu que les normes internationales ont évolué
de 1924 à 1989 vers une définition de l’enfant qui a abouti
à la détermination d’un âge de maturité (18 ans).
Le Comité des Droits de l’Enfant dans la rubrique qu’il consacre
à la définition de l’enfant interroge en quelque sorte les
Etats sur l’âge minimum par rapport à l’exercice d’un certain
nombre de droits (consultation d’un médecin ou d’un homme de loi…),
la protection contre l’exploitation économique, le mariage précoce,
l’emprisonnement, l’usage de l’alcool, etc. Ces éléments ont,
sans aucun doute, leur importance mais mention n’est pas faite sur d’éventuels
fondements socio-culturels.

Comparé au droit sénégalais, l’âge défini
par la Convention correspond à la maturité pénale.
D’ailleurs, à ce niveau, on peut se poser la question de savoir sur
quoi se fonde en réalité le législateur sénégalais
pour opérer une différence entre la majorité civile
et la majorité pénale et sur la jouissance des droits civils
et politiques fixée à 18 ans dans la Constitution en son Article
2. Il y a là sans doute lieu de poursuivre nos recherches au niveau
des exposés des motifs des lois, des éléments de réponse
à notre question.

De plus, on constate qu’il y a une tendance dans les pays dits développés
à l’abaissement de l’âge de la majorité pour favoriser
plus de participation des citoyens compte tenu, entre autres, de la démocratisation
de la connaissance, ce qui n’est pas tout à fait le cas des pays
comme le Sénégal. En effet, à partir de l’exemple de
l’ethnie Sereer cité par Gravrand, l’on se rend compte qu’il y a
parfois des secteurs dans lesquelles l’âge de l’enfance est prolongé
jusqu’à plus de 26 ans pour les garçons alors qu’il s’arrête
à 18 ans pour les filles.

Enfin, de la religion se différencient des aspects législatifs
et autres considérations propres aux groupes ethniques en ce qu’ils
rattachent la majorité à la possibilité de procréation,
ce qui peut survenir très tôt chez certains individus. Rappelons
que ceci est, du reste pris en compte par la Convention car il est dit:
“un enfant s’entend de tout être humain de moins de 18 ans, sauf
si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation
qui lui est applicable”.

Comme nous l’avons dit dans la partie introductive, nous n’avons pas
la prétention d’avoir définitivement réglé la
question relative à la définition car outre les problèmes
de collecte de données, il faut rappeler que nous sommes encore,
dans une très large mesure, dans le contexte d’une civilisation orale
où beaucoup de thèmes ne sont pas encore écrits.


2. LES DROITS CIVILS

Les droits civils couvrent un éventail assez large de droits.
Dans le dossier d’information DEI/UNICEF cité plus haut, il est dit
que “les droits civils de l’enfant comprennent le droit à un
nom et à une nationalité, le droit d’être protégé
contre la torture et les mauvais traitements, des dispositions particulières
réglementant les circonstances et les conditions dans lesquelles
des enfants peuvent être privés de libertés ou être
séparés de leurs parents, etc”. Nous avons opté,
dans le cadre de notre recherche pour un éclatement de ces droits
entre le chapitre consacré aux principes de base et celui regroupant
les droits de protection. Aussi nous ne traiterons ici que la non discrimination,
l’exercice des droits et le nom et la nationalité; c’est à
dire respectivement les Articles 2, 4 et 7.

 

Article 2: La non discrimination

Dans le Titre II de la Constitution du Sénégal consacré
aux libertés publiques et à la personne humaine, les Articles
6 et 7 traduisent de manière explicite la volonté du législateur
de lutter contre toute forme de discrimination. En effet, dans l’Article
6 il rappelle le caractère sacré de la personne humaine et
l’obligation de l’état de la respecter et de la protéger,
puis dans l’Article 7 il souligne: “Tous les êtres sont égaux
devant la loi. Les hommes et les femmes sont égaux en droit. Il n’y
a au Sénégal ni sujet, ni privilège de lieu de naissance
ou de famille”.

Si la volonté du législateur est très claire, les
disparités régionales quant à la couverture sanitaire,
l’accès à l’instruction publique et aux loisirs, par exemple,
indiquent un écart entre la loi et la réalité. Ces
aspects seront illustrés dans le chapitre consacré aux droits
de provision.

 

Article 4: La mise en oeuvre des droits reconnus

Comme cela est dit dans le Rapport Initial du Sénégal (p.19),
il existe dans le pays “un cadre institutionnel apte à promouvoir
une application effective de l’ensemble des droits”. Les divers aspects
concernant l’exercice des droits seront abordés dans les prochains
chapitres, en termes de mesures législatives, administratives, sociales
et éducatives. Mais l’on peut noter d’ores et déjà
que “le plan d’opérations conclu avec l’UNICEF pour un montant
global de 11 millions de $” (op.cit.) indique une volonté de
l’état de promouvoir les droits de l’enfant.

 

Article 7: Le nom et la nationalité

Le Code de la Famille dans son Article 51 (p.43) montre la préoccupation
du législateur qui est de faciliter autant que possible les procédures
de déclaration de naissance. En effet, il est dit au second paragraphe
de l’Article: “Les déclarations peuvent émaner du père
ou de la mère, d’un ascendant ou d’un proche parent, du médecin,
de la sage-femme, de la matrone ou de toute autre personne ayant assisté
à la naissance ou encore, lorsque la mère est accouchée
hors de son domicile, de la personne chez qui elle est accouchée.
A défaut de déclaration faite par les personnes désignées
ci-dessus, les chefs de village ou les délégués de
quartier sont tenus d’y procéder dans les conditions et sous les
sanctions prévues dans l’Article 33 du présent code”.
Les Articles 3, 4, 5 et 6 assurent du point de vue juridique le droit à
un nom de tout enfant qu’il soit légitime, naturel, de parents inconnus
ou qu’il soit enfant adoptif. L’Article 3 précise que l’enfant porte
le nom de son père, mais en cas de désaveu, il porte le nom
de sa mère.

Concernant la nationalité, “le droit sénégalais
de la nationalité repose à la fois sur le sol et sur le sang,
mais celle-ci peut être également acquise par acte de la puissance
publique ou naturalisation” (Rapport Initial, p.28). D’après
le même document, l’Article 1 du Code de la Nationalité stipule:
“Est sénégalais tout enfant né au Sénégal
d’un ascendant au premier degré qui y est lui même né.
Au cas où la preuve de la naissance au Sénégal de l’ascendant
au premier degré ne peut être établie, l’enfant né
au Sénégal est considéré de nationalité
sénégalaise…, enfin le mineur âgé de 18 ans
peut demander sa naturalisation sans autorisation des parents”.


3. LA VIE FAMILIALE

Article 3: L’intérêt supérieur

L’intérêt supérieur de l’enfant est à considérer,
selon nous, comme une notion présente dans toutes les parties de
la Convention. La protection et les soins à assurer à l’enfant
sont abordés dans les chapitres sur les droits de provision, sur
la protection et sur la participation. Cependant, il nous faut dire dès
à présent que les indicateurs qui révèlent la
prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant dans
l’application de la législation peuvent éventuellement être
repérés dans les procédures de divorce ou le traitement
des enfants placés dans les institutions étatiques. Compte
tenu de la non disponibilité d’informations précises sur les
procédures juridiques dans de pareils cas, il ne nous est pas encore
possible de construire des indicateurs. Il ne nous est pas encore possible
non plus de fournir des informations sur les procédures traditionnelles
de placement, tels que la circulation des enfants ou leur placement dans
des institutions islamiques (Daaras).

 

Article 9: Le droit de vivre avec ses parents

Les aspects concernant cet Article seront traités dans la partie
consacrée notamment au regroupement familial.

 

Article 14: La liberté de pensée et de choix idéologique
avec ses parents comme guides

L’Article 19 de la Constitution sénégalaise garantit ces
libertés et les Articles 230 à 233 bis prévoient des
peines pour quiconque aura provoqué ou tenté de provoquer
des actes d’intolérance entre des personnes de religions ou de sectes
religieuses différentes. Ce dispositif législatif constitue
un indicateur dans les principes de base, des protections juridiques quant
au libre exercice de la pensée et des choix idéologiques.
Selon le Rapport Initial du Sénégal (p.35), il faut ajouter
à cela l’Article 8 de la Constitution qui permet à chacun
d’exprimer et de diffuser librement ses opinions par la parole, la plume
et l’image. Ce droit n’est limité que par la loi et le règlement
et par le respect de l’honneur d’autrui.


4. LES DROITS NATURELS

Article 27: Niveau de vie suffisant

Article 29: Education vers l’épanouissement

Dans l’état actuel de nos réflexions, nous avons décidé
de ne pas aborder les Articles 27 et 29 car il nous semble qu’il faudrait
approfondir la réflexion sur le concept de niveau de vie adapté
aux réalités locales et faire un choix sur la direction à
prendre pour l’identification et le développement d’indicateurs.
Il en est de même pour l’éducation vers l’épanouissement.


[Chapitre 2] [Index]