INDICATEURS RELATIFS AUX DROITS DE L’ENFANT

 

 INDICATEURS RELATIFS AUX DROITS DE L’ENFANT

ETUDE DE CAS DU SENEGAL, 1995

FATOU FALL DIA, NAFY GUEYE DIAGNE, ABDOUL KARIM GUEYE & SIDY GUEYE

 

 

CHAPITRE II. LES DROITS DE PROVISION

 

Le problème social des enfants a été déjà posé. Il se résume en quelques mots. Plus de trois millions d’enfants et de jeunes dont la moitié est analphabétisée. Beaucoup survivent difficilement et leur sont refusés les droits fondamentaux à la santé à un niveau de vie suffisant pour leur développement. Cette misère matérielle et morale engendre très souvent la dégradation de l’institution familiale de toutes les valeurs et la perte de la dignité.

Comment peut-on devant une telle situation oser aborder la question des droits de l’enfant qui requièrent tous pour leurs réalisation des conditions matérielles favorables? (Acte du colloque, Dakar, 1991).

Dans cette étude de cas les deux institutions qui s’occupent de la sécurité sociale des familles et des enfants sont ciblées: la caisse de sécurité sociale et la direction de l’action sociale. Il s’agit d’une prise en charge tantôt entière dans le cas de la Direction de l’Action Sociale (DAS) tantôt partielle pour celui de la caisse de sécurité sociale.

 

Type et Etat des Services

  • Direction de l’Action Sociale
  • Coordination Régionale de l’Action Sociale
  • Centre de Protection et de Réinsertion Sociale

La Direction de l’Action Sociale est constituée:

  • de la Division de la Prophylaxie Sociale;
  • de la Division des Secours;
  • du Centre d’Enseignement de l’Education non conventionnelle;
  • de la Division de la Prophylaxie Sociale des Handicapés.

Au niveau régional, on note l’existence des Centres de Protection et de Réinsertion Sociale (CPRES) qui assurent la couverture de la Coordination Régionale de l’Action Sociale (CRAS); Au niveau régional, il existe 38 CPRES implantés dans les départements et 10 Coordinations Régionales de l’Action Sociale.

Les données sur la qualité des services, l’équipement et autres ressources ne sont pas disponibles au niveau de la DAS. Il en est de même pour le taux de fréquentation au niveau de ces différentes structures. Cependant les données sur les indicateurs de besoins permettent de noter des déficits en ressources humaines.

La non disponibilité des informations sur l’état et les types de service de la DAS en 1994, nous amène à utiliser celles de 1993. En prenant l’exemple du département de Pikine, les Centres de Protection et de Réinsertion Sociale (CPRS) comptent un effectif de sept agents pour une population de 700,000 habitants. Les moyens logistiques et les moyens d’intervention connaissent le même problème. En ce qui concerne les moyens de financement le budget qui était de 100,000 FCFA en 1993 est passé à 400,000 francs. Notons au passage que ce budget n’est pas destiné à l’intervention au niveau de la population mais plutôt au fonctionnement de la structure. L’utilisation au niveau du Service de la DAS est d’abord effectuée par le CPRES (Direction de l’Action Sociale, Division de la Prophylaxie Sociale et des Handicapés, Dakar, 1995). Après enquête, le dossier est transmis au niveau de la Direction. La Direction impute le dossier et l’envoie à la Division concernée pour l’exploitation. Ainsi est déterminé le type de traitement à réserver au client.

 


 

1. LA SECURITE FAMILIALE

Article 5: Respect des droits de l’enfant par la famille

Article 18: Responsabilités des familles.

Dans cette partie il est nécessaire de voir la relation entre la Caisse de Sécurité Sociale et l’état sénégalais dans l’aide et les services apportés aux familles. Auparavant essayons de voir le statut et l’historique de la Caisse de Sécurité Sociale. Devant la nécessité d’une couverture des travailleurs contre les risques auxquels ils sont exposés dans le secteur moderne de l’économie, l’administration coloniale a été dans l’obligation de doter les pays d’Outre Mer d’un système d’assurance sociale de même nature que celui en vigueur en Métropole. C’est ainsi que la Caisse de Compensation des Prestations Familiales s’est vue confier la gestion du régime restitué le 1er Janvier 1956 pour servir les Prestations Familiales. Trois années plus tard, plus précisément le 1er Janvier 1959, le régime des accidents du travail géré par les employeurs et les compagnies d’assurances est confié à son tour à l’Institution qui devient la Caisse de Compensation des Prestations Familiales et des Accidents du Travail. L’Organisme jouit de l’autonomie financière jusqu’en 1966, date à laquelle il est transformé en établissement public. Il faut attendre 1973 pour voir la réunion des deux régimes dans un seul texte appelé Code de Sécurité Sociale (Loi ndeg. 73-37 du 31 juillet 1973). Le même code précise à son Article 2 que la gestion des deux régimes et confiée à un établissement public à caractère industriel et commercial dénommé Caisse de Sécurité Sociale dont les règles de fonctionnement sont fixées par décret. La période 1973-75 est marquée par la promulgation de la loi 75-50 du 3 avril 1975 relative aux institutions de Prévoyance Sociale. Dès lors l’autonomie financière se résume à nouveau pour voir le jour le 26 juin 1991 par le vote de la loi ndeg. 91-33 transformant la Caisse de Sécurité Sociale en Institution de Prévoyance de Droit Privé.

La Caisse de Sécurité est financée par les cotisations mises à la charge exclusive des employeurs. Le taux de cotisation au régime des Prestations Familiales est fixé à 7% des salaires plafonnés à 6000 FCFA/ mois, soit 4200 FCFA par mois ou 12 600Frs par trimestre. En ce qui concerne les accidents du travail, les taux sont établis par branche professionnelle. Ils varient entre 1,3 et 5%. D’après les données obtenues, les prestations de la caisse sont réservées aux travailleurs salariés relevant du code du travail et de la marine marchande. Ces prestations visent une tranche de la population au niveau national. Cependant pour favoriser la mission des services publics, 10 agences régionales et trois centres de Protection Maternelle et Infantile (PMI) ont été créés à Dakar (Caisse de Sécurité Sociale, Dakar, 1995).

 

Article 19 (2): Mise en place de programmes sociaux.

Le contexte social, politique et économique actuel du Sénégal comme partout en Afrique a favorisé l’expansion d’un phénomène nouveau; celui des enfants en situation particulièrement difficile. Malgré les mesures de protection prises par les autorités et contenues dans les textes de lois, d’année en année sous la pression de la crise économique, une frange importante des enfants sénégalais vit dans des conditions particulièrement difficiles qui affectent leur survie et développement.

La catégorie “enfants en situation particulièrement difficile” a été proposée pour la première fois à New York par l’UNICEF (Siège) en 1985 et comprend:

  • les enfants travailleurs et les enfants de la rue;
  • les enfants handicapés;
  • les enfants placés dans les institutions;
  • les enfants en conflits armés;
  • les enfants non accompagnés dans une situation de calamité.

Dans un rapport de l’UNICEF (Dakar, 1994), cette classification interprétée a donné lieu àla structure suivante :

 

les enfants en stratégies de survie, essentiellement les enfants travailleurs

  • les enfants de la rue;
  • les talibés [1];
  • les enfants handicapés;
  • les enfants placés dans des institutions;
  • les enfants en conflits armés.

L’état sénégalais conscient de son rôle, cherche avec l’ensemble des partenaires à mettre en place des programmes sociaux. Mais, il est assez manifeste que toute programmation efficace doit reposer sur une connaissance des problèmes à résoudre. Dès lors il faudrait disposer de données fiables sur la nature, la dynamique, l’ampleur et l’impact des situations difficiles que rencontrent les enfants. Jusqu’à une période récente il existait peu de données sur la situation de ces enfants. Seuls les enfants placés dans les structures publiques ou privées font l’objet de recensements annuels relativement précis. Quelques études par échantillon existent et concernent les talibés et les enfants travailleurs.

Au Sénégal, la mise en place de programmes sociaux se reflète à partir des activités de structure.

La Direction de l’Action Sociale (DAS) du Ministère de la Santé Publique et de l’Action Sociale a pour mission essentielle de traduire en acte les préoccupations du Gouvernement à savoir:

  • la lutte contre les fléaux sociaux;
  • la protection des enfants abandonnés ou déshérités;
  • l’amélioration des secours aux personnes nécessiteuses;
  • l’assistance aux personnes âgées.

En ce qui concerne les enfants, toutes ces activités sont dévolues au centre de Promotion et de Réinsertion Sociales CPRS implantés dans toutes les régions avec un nombre plus important à Dakar.

Cependant les programmes sociaux en faveur des enfants (et adultes) varient selon le plan d’action des différentes divisions de la DAS. Au niveau de la Division de l’Education Non Conventionnelle (DENC), nous avons les programmes suivants:

  • placement dans les villages d’enfants SOS, des orphelins, des enfants abandonnés, etc.
  • aide en nature et espèce (selon la nature du problème);
  • placement dans les centres de formations professionnelles comme ceux de l’Association Sénégalaise d’Aide à la Formation et à l’Insertion des Nécessiteux (ASAFIN).

Nous n’avons pas pu obtenir des informations sur le nombre d’enfants bénéficiaires de ces services car les données ne sont disponibles. Elles peuvent être retrouvées au niveau des CPRES ou bien dans le plan d’action de 1994, mais ce dernier n’est pas encore disponible.

Au niveau de la division de la prophylaxie sociale des handicapés, le programme est le suivant:

  • promotion sociale et économique des personnes handicapées;
  • éducation et formation;
  • appareillages des personnes handicapées;
  • insertion socio-économique.

Dans les deux autres divisions qui restent les données ne sont disponibles car la personne qui devait donner l’information n’était pas sur place mais nous essayerons de les compléter par le bilan des activités de 1993.

En ce qui concerne la caisse, le programme mis en place est axé sur :

  • les soins des enfants dans les Centres de Protection Maternelle et Infantile;
  • le programme élargi de vaccination;
  • la planification familliale.

Dans ce cas précis le nombre d’enfant consulté ne figure pas dans les documents car les consultations se font dans les trois Centres de Protection Maternelle et Infantile (PMI) qui sont à Dakar et les statistiques ne sont pas centralisées au niveau de la Direction. Il convient cependant de souligner que les enfants qui se trouvent à Dakar sont les seuls bénéficiaires de ces soins. Le budget de la Caisse de Sécurité Sociale alloue un faible pourcentage à l’action sanitaire et sociale en faveur de l’enfant et de la femme. Ceci est nettement visible sur le Tableau 10.

 

Tableau 10: Les allocations familiales en 1993 en millions cfa

Nature Montant Pourcentage
Allocations prénatales

Allocations de maternité

Allocation familiales

Allocations de chômage involontaire

Indemnités journalières de congé de maternité

Allocations des familles de travailleurs en France

89,079

228,777

1499,262

1,887

413,734

66,956

3,63

9,33

61,15

0,08

16,87

2,73

Sous-total 2299,695 93,79
Action sanitaire et sociale en faveur de l’enfant et de la femme 152,184 6,21
Ensemble 2451,879 100

Source: Childwatch 1995, Tableau fait pour l’étude par la Caisse de Sécurité Sociale

 

Nous ne disposons pas de statistiques détaillées sur les services offerts selon la nature des problèmes. Ces dernières ne figurent pas dans les rapports.

(1): Talibé: mot Wolof qui signifie disciple recevant une éducation religieuse dans une institution islamique (Daara).

 

Article 20 Survie et développement

Article 25 Suivi du placement par l’état

Au regard de la nature des indicateurs qui concernent ici particulièrement les placements, nous optons pour le regroupement de ces deux Articles. En fait, le placement des enfants dans les institutions publiques ou privées obéit à des causes multiples humanitaires et/ou préventives (orphelinats, délits commis par les enfants, enfants délaissés).

 

(a) Le placement dans les institutions étatiques

Les informations disponibles sur le placement des enfants concernent les activités de la Direction de l’Education Surveillée et de la Protection Sociale (DESPS, Tableau 11). Au sein de cette direction quatre structures sont actives sur le placement des enfants:

  • les services d’Action Educative en Milieu Ouvert (AEMO) chargés de promouvoir la réinsertion des enfants jugés après avoir commis un délit; la réinsertion s’appuie sur la famille et les possibilités de formation offertes par le milieu; les AEMO se situent en milieu urbain et sont au nombre de huit (Dakar, Thiès, Ziguinchor, Kaolack, Saint-Louis, Diourbel, Louga, Tambacounda);
  • les autres Centres de Sauvegarde, en plus de leurs activités de réinsertion des enfants sous placement judiciaire accueillent des jeunes filles et garçons exclus du système d’éducation conventionnel et offrent des formations diverses: art ménager, menuiserie bois, soudure et mécanique. Ils sont au nombre de sept dont trois en milieu urbain (Pikine, Cambérène, Thiès) et quatre en milieu rural (Sébikhotane, Mbour, Ziguinchor, Thiès);
  • la protection sociale (CPS) ou la prison des mineurs (Front de Terre) enregistre 32 pensionnaires pour l’année 1992.
  • selon l’UNICEF (UNICEF, 1994, Dakar), la capacité d’accueil de ces structures est très faible par rapport à la demande. Ainsi en 1990, ces institutions n’ont pu accueillir que 456 pensionnaires.

 

Tableau 11 : Activité des structures de l’éducation surveillée au 31 décembre 1992

Structure Nbre d’enfants Filles Garçons Autres Educateurs spécialisés coordinnateurs
C.S 32 0 0 1
Sébikhotane 22 2 3 1
CS 57 40 17 3 8 1
Cambérème CS 871 324 547 8 5 1
Pikine CS 1211 1 2 1
Thiès CS 540 200 340 8 6 1
CS 75 34 41 4 2 1
Dakar AEMO 198 83 115 2 27 5
Thies AEMO 11 8 6 1
Diourbel AEMO 59 6 53 2 1
St Louis AEMO 55 0 55 3 3 1
Kaolack AEMO 56 2 54 1 1 1
Z’chor AEMO 33 2 1
Louga AEMO 23 0 23 0 2 1
Tamba AEMO 11 0 11 0 1

Source: Childwatch 1995, d’après les données brutes de la DESPS.

 

(b) Le placement dans les institutions coraniques (Daaras) et circulation des enfants

S’agit-il d’enfants placés ou non? En tout cas, le problème des talibés dans les institutions coraniques a constitué un fléau en raison de la forte propension de ces enfants à mendier dans les rues et place publiques des grandes villes du Sénégal. C’est ainsi que les pouvoirs publics ont conseillé l’assistance et le suivi de ces enfants dans leurs Daaras respectifs.

La DAS dans le cadre de ses activités d’appui ponctuel pour l’année 1994 a distribué à 189 daaras répartis dans 10 régions du pays la somme de 25,483,000 f cfa ($50,966 US) pour une population de 1500 talibés (Tableau 13).

 

Tableau 12 : Répartition des subventions des daaras par région, 1993

Régions Nombre de daaras Montant
Dakar 37 10,707,000
Diourbel 26 2,950,000
Fatick 10 643,000
Kaolack 39 2,635,000
Kolda 6 415,000
Louga 11 2,673,000
St. Louis 39 3,965,000
Tambacounda 2 150,000
Thiès 13 1,140,000
Ziguinchor 6 405,000
Total 189 25,483,000

Source: UNICEF, 1994

 

Une étude récente de l’UNICEF montre l’importance des flux migratoires qu’engendre la mendicité des talibés. Comme l’indique le Tableau suivant, dans l’ensemble, ces talibés sont très jeunes puisque leur moyenne d’âge se situe autour de 10,5 ans. L’éventail des groupes d’âges varie de quatre à 25 ans, mais plus de 86% des talibés ont moins de 15 ans. Cette caractéristique signifie justement que les talibés mendiants sont surtout ceux qui n’ont pas pu accéder au système scolaire classique ou ceux qui ont été rejetés par ce dernier (Tableau 13).

 

Tableau 13: Répartition par groupe d’âge des talibés mendiants, 1993

 

Groupe d’âge

Nombre %
Moins de 10 ans 2,489 35,68 %
10-14 ans 3,533 50,65 %
15 ans et plus 953 13,66 %
Ensemble 6,975 100,00 %

Source: UNICEF, 1994.

A l’intérieur du Sénégal, ce sont surtout les régions de Thiès, Saint-Louis et Louga qui apparaissent comme les principaux réservoirs de talibés mendiants, comme le montre le Tableau 14.

 

Tableau 14: Région d’origine des talibés, 1993

Villes Dakar Kaolack St Louis Diourbel Fatick Kolda Louga Tamba Thiès Z’chor ID
Dagana 2 1 187 0 0 0 0 0 0 0 0 190
Dakar 89 70 300 44 50 50 116 11 518 2 40 1330
Diourbel 22 93 13 162 50 16 30 2 26 1 17 395
Fatick 0 8 0 1 16 13 5 0 1 0 0 28
Guediawaye 39 7 119 4 13 0 9 1 50 0 15 257
Kaffrine 10 64 4 31 1 13 14 0 1 0 1 127
Kaolack 4 139 3 11 1 1 18 0 4 0 11 212
Kolda 1 1 3 0 18 4 1 0 0 5 0 114
Louga 16 0 60 33 0 103 184 0 0 1 11 175
Mbour 4 32 29 9 11 9 42 9 247 0 4 388
Ourossogiu 1 2 107 0 12 0 0 0 0 0 2 113
Pikine 105 20 63 144 0 1 111 0 378 2 31 945
Rich-Toll 2 0 130 0 18 75 3 1 1 0 6 145
Rufisque 41 8 75 47 0 2 86 0 147 0 2 417
St Louis 5 9 226 4 11 0 67 0 3 1 15 340
Tamba 0 0 19 1 1 7 0 109 0 0 2 160
Thiès 48 55 176 43 0 29 137 9 204 0 22 695
Ziguinchor 5 6 2 0 0 1 0 0 3 37 0 318
Total 394 515 1505 534 141 265 793 142 1591 49 179 6447
% 6,11 7,99 23,34 8,29 2,19 9,37 12,30 2,20 24,68 0,76 2,78 100

Source: UNICEF, 1994

Certaines zones rurales semblent plus pourvoyeuses de talibés mendiants que d’autres, et ceci semble étroitement lié aux difficultés économiques qui sévissent dans ces zones (Tableau 14). Ainsi, dans la région de Thiès, les talibés viennent surtout de la zone de Pambal et Pout, tandis que dans les régions de Saint-Louis et Louga, ils sont originaires du Diéri et de la zone ssylvopastorale.

La circulation des enfants est un phénomene assez répandu au Senegal et son ampleur est mal saisie par le système officiel d’enregistrement statistique. Cependant il est assez courant de l’approcher à partir des échantillons d’enquêtes comme l’EDS ou les recensements. Ces sources permettent d’avoir le nombre d’enfants qui ne vivent pas avec leurs mères. Cette catégorie d’enfants présente une forme de circulation d’enfants. Selon une enquête de l’ONG la proportion d’enfants ne vivant pas avec leur mère augmente avec l’âge de la mère (Tableau 15). Très faible chez les jeunes mères âgées de 15 à 19 ans (2,5%), elle se positionne à 38,4% chez les mères de 45-49 ans. Les différences observées sur le phénomène quant au sexe et au milieu d’habitat (rural/urbain) sont très faibles. La circulation des enfants concernent toutes les ethnies.Toutefois l’ethnie Diola enregistre une proportion de 31% d’enfants vivant sans leur mère. Les régions du nord est du Sénégal se distinguent par le plus faible taux de 17% d’enfants sans leur mère alors que celles du sud accusent le plus haut pourcentage. Le niveau d’instruction des mères agit sur le phénomène. Ainsi les mères de niveau secondaire accustent un faible taux de circulation des enfants (15%), alors que celles de niveaux primaires ont un taux de 17%. Quant aux femmes non instruites, elles registrent le taux le plus élevé avec 20,9%. L’indicateur indirect de circulation des enfants en l’occurrence le % d’enfants vivant sans leur mère mesure partiellement le phénomène de la circulation des enfants. Dès lors ce taux s’avère primordial.

 

Tableau 15 (a): Proportion d’enfants ne vivant pas avec leur mère augmente avec l’age de la mère, 1992

Age de la mère (ans) Nbr femmes Fils ne vivant pas avec leur mère % Filles ne vivant pas avec leur mère % Enfants ne vivant pas avec leur mère %
15-19 975 5,6 3,6 4,5
20-24 895 12,1 11,0 11,5
25-29 838 14,3 13,8 14,0
30-34 656 17,6 14,4 16,0
35-39 480 18,8 23,1 20,9
40-44 300 25,4 31,3 28,2
45-49 271 33,1 44,0 38,4
Total 4415 19,4 21,3 30,3

Source: DPS, 1992

 

Tableau 15 (b): Répartition par l’ethnie des enfants ne vivant pas avec leur mère

Ethnie Nbre mères Fils ne vivant pas avec leur mère % Filles ne vivant pas avec leur mère % Enfants ne vivant pas avec leur mère%
Wolof 1857 18,6 18,8 18,7
Pulaar 1014 18,3 22,1 20,1
Sereer 638 15,0 22,3 18,7
Manding 220 19,4 21,9 20,7
Joola 241 31,6 31,6 31,6
Autres 445 25,8 22,9 24,3

Source: DPS, 1992

 

L’information sur les mères dont les enfants sont en circulation peut fournir des indicatuers sur les similitudes concernant les enfants qui vivent an dehors de leur foyer natal. Cependant, pris dans une perspective traditionnelle, ces indicateurs ne révèlent pas forcément des risques. Les enfants ne souffrent pas nécessairement du fait de vivre loin de leurs parents biologiques. Tout dépend de la personne avec laquelle ils vivent ainsi que des conditions dans lesquelles ils se trouvent. Les écoles coraniques, par exemple, peuvent être à la fois une structure communautaire de socialisation et une source d’exploitation quand les enfants sont utilisés comme talibés mediant au profit des marabouts. Une manière d’estimer le risque d’exploitation serait l’utilisation du recensement des liens de parenté existants ou non entre les enfants qui vivent dans un ménage et le chef de famille. Il faudrait obtenir ces renseignements pour tous les ménages selon la région et l’âge des personnes d’un même ménage. De telles données sont sans doute à situer dans un contexte qualitatif; elles peuvent ainsi suggérer des pistes fructueuses dans la poursuite du travail sur les indicateurs et probablement un cadre de travail sur les indicateurs de risque.

 

Tableau 16: Répartition des ménages selon le lien de parenté avec le chef de famille (CF)

Lien de parenté avec le CF %
Chef de famille 17,1
Conjoint du CF 14,0
Fils/Fille du CF 53,8
Père/Mère du CF 1,4
Frère/Soeur du CF 1,9
Neveu/Nièce du CF 3,4
Petit-fils/fille du CF 2,1
Autre lien de parenté avec le CF 4,9
Aucun lien de parenté avec le CF 0,8
Total 100

Source: Direction de la Prévision et de la Statistique, Tableau fait pour l’étude

 

Nous prenons l’hypothèse que la circulation des enfants présente des risques d’exploitation économique dans des institutions comme les daaras mais également au sein des ménages mêmes. C’est pourquoi nous avons jugé utile de rechercher des indicateurs à partir de la répartition des enfants selon les liens de parenté avec le chef de famille.

Les données recueillies à la Direction de la Prévision et de la Statistique (DPS) nous fournissent des indicateurs sur la composition des ménages. Ces informations ne concernent pas spécifiquement les enfants. C’est pourquoi nous n’avons ni leurs âges ni le nombre d’enfants non apparentés au chef de noyau, ni la répartition selon le sexe. De manière générale, les chiffres indiquent un faible poucentage d’enfants qui sont susceptibles de vivre en dehors du foyer familial (3,5% des neveux et 2,1% sont des petit-fils). Nous disons bien susceptibles en vivre en dehors du foyer car les données qui nous servent de base, concernent la famille élargie. D’autre part, il n’y a que de faibles variations selon les régions; cela permet de dire que les pourcentages des neveux et des nièces ainsi que des petits-fils à l’interieur des ménages sont partout les mêmes. Enfin, il nous faut dire que ces éléments d’information de la DPS ne peuvent être utilisés comme des indicateurs pertinents de la circulation des enfants.

Pour avoir d’autres éléments dans le domaine qui nous intéresse, nous nous sommes orientés vers le confiage. Il est vrai que l’on peut dire qu’au Sénégal comme ailleurs, la circulation des enfants à travers le confiage, remonte à la nuit des temps. Landing Savanne dans un Article consacré au confiage des enfants à Pikine, donne quelques indications qualitatives intéressantes sur la circulation des enfants. La typologie qu’il esquisse comporte trois catégories:

(i) Les transferts de parenté directe, selon l’auteur, “comportent un aspect d’assistance sociale et de solidarité familiale” (Savane, 1994, p.133). En effet, “Les parents sont amenés parfois à confier leurs enfants à leurs propres parents pour qu’ils leur servent d’aides domestiques ou de compagnes, pour des raisons de santé (repos après une materinité par exemple), ou encore pour que les enfants puissent bénéficier de l’éducation donnée par leurs grand-parents” (ibidem pp.133-134).

(ii) Les transferts d’alliance, d’éducation et d’apprentissage, sont des cas où, souligne Savane, “il ne s’agit pas d’aider ou de faire plaisir à la famille d’accueil de l’enfant mais plutôt de solliciter cette famille qui est mieux placée pour diverses raisons que la famille biologique…” (ibidemem, p. 134) pour assurer les fonctions d’éducation et de formation.

(iii) Les transferts de crise constituent une troisième catégorie qui découle de décès, de divorces et de remariages de l’un des parents.

Ces quelques données qualitatives indiquent l’importance du rôle que les transferts jouent dans la structuration des rapports intra et inter-familiaux: “La solidarité [dans ces domaines] s’observe jusque dans les couches les plus aisées de la société” (ibidem, p.141). Ceci dit, il ne faudrait pas perdre de vue, encore une fois, que cette pratique constitue une porte ouverte à l’exploitation économique des enfants du fait de la dégradation constante des conditions de vie des populations. Il peut apparaître à ce titre comme un indicateur indirect. Le rôle économique de ces enfants a une importance au sein des ménages, même si cela n’est toujours pas pris en compte dans les calculs économiques.

 

Article 21 : L’Adoption

Le législateur sénégalais a mis en place des textes de lois qui réglementent l’adoption sous toutes ses formes mais la saisie de l’information pose problème. Les statistiques d’adoption ne sont pas élaborées au moment où l’état civil et les milieux judiciaires prennent des mesures pour l’autoriser ou la constater. Depuis 1986 un projet d’amélioration de l’enregistrement des faits d’état civil avec des formations sur la saisie des statistiques est mis en place avec l’aide du Fond des Nations Unies pour les Activités en matière de Population (FNUAP). Mais la couverture de l’enregistrement est encore faible au Sénégal et les statistiques d’état civil sont pour la plupart inexistantes.

Deux sources nous ont permis d’obtenir quelques données. Il s’agit du Tribunal Régional et de la Direction de l’Education Surveillée et de la Protection Civile.

Informations obtenues grâce au Tribunal: En 1994, les statistiques d’activités des milieux judiciaires nous révélént 13 enfants adoptés après consentement des deux parents. On remarque que le nombre de filles (huit) est plus élevé que le nombre de garçons. En 1993 les milieux judiciaires n’avaient autorisé que l’adoption des mineures.

 

Tableau 17: Enfants adoptés par consentement des parents, années 1993 et 1994

1993 1994 Total
Garçons 0 6 6
Filles 1 7 8
Total 1 13 14

Source: Tribunal Régional de Dakar, 1994

 

On constate d’après le Tableau ci-dessus que l’adoption à l’étranger est beaucoup plus significative que celle à l’intérieur du Sénégal. Elle représente 66% du nombre de cas d’adoption, soit un chiffre absolu de 27 enfants adoptés à l’étranger. Il faut remarquer également l’absence des données qualitatives sur le confiage des enfants

 

Tableau 18: Adoption des enfants par pays d’accueil

Sénégal Gabon France Belgique Allemagne Etats-Unis Total
14 1 21 3 1 1 41

Source: Tribunal Régional de Dakar, 1994

 

Au niveau de la Direction de l’Education Surveillée et de la Protection Sociale les statistiques nous donnent le nombre d’enfants adoptés et qui, pour une cause ou une autre se retrouvent dans les circuits de réinsertion sociale. Dans les registres inexploités de la Direction de l’Education Surveillée et qui sont riches en informations, nous avons extrait un échantillon de 250 enfants des structures de placement de Dakar; Action Educative en Milieu Ouvert (AEMO) en particulier sur la base de la qualité de l’enregistrement. Nous avons élaboré des statistiques de base sur cet échantillon qui est assez représentatif de la situation des enfants en placement. Sur l’échantillon des 250 enfants qui sont pris en charge par les AEMO, 23 ont été antérieurement adoptés soit 9,20%. Ces enfants constituent 52,27% des enfants qui ont vécu hors de leur milieu familial et qui sont suivis par les AEMO. En d’autres termes, si la proportion des enfants adoptés est relativement faible dans la population totale des enfants des AEMO, elle est significativement importante aux autres enfants de même nature, vivant hors du cadre familial constitué du père et de la mère.

 

Tableau 19: Répartition des enfants selon la présence des parents dans leurs foyers d’origine, année 1993

Vie avec Effectifs %
Deux parents 102 40,8
Père 42 16,8
Mère 62 24,8
Adopté 23 9,2
Ailleurs 21 8,4
Ensemble 250 100,0

Source : Childwatch 1995, Direction de l’Education Surveillée et de la Protection Sociale exploitation réalisée par l’équipe.

 

Article 34 : L’exploitation sexuelle

Les jeunes filles en rééducation pour délit de prostitution sont au nombre de 47 sur un effectif de 301 enfants pris en charge par la DESPS (AEMO et autres structures) au cours de l’année 1994 dans la région de Dakar. Ce qui représente 15,61% de la population totale des enfants.

 

Tableau 20: Répartition des enfants selon la cause de leur présence dans la structure de rééducation, année 1993

Cause de présence Effectifs %
Vol 164 54,49
Prostitution 47 15,61
Vagabondage 45 14,95
Coups et blessures 16 5,32
Drogue 15 4,98
Homicide 3 1,00
Menace de mort 2 0,66
Viol 1 0,33
Autres délits 8 2,66
Ensemble 301 100,00

Source : Direction de l’Education Surveillée et de la Protection Sociale, 1994

 

Article 26: Sécurité sociale

Article 27: Niveau de vie suffisant

Ces deux Articles ont été regroupés compte tenu du fait qu’on ne dispose pas de données désagrégées sur la nature et la quantité de l’aide accordée aux familles. La répartition selon le milieu urbain/rural n’existe pas non plus.

Les prestations familiales prévues par le code de sécurité sociale comprennent:

  • les allocations prénatales;
  • les allocations de maternités;
  • les allocations familiales;
  • les allocations de chômage;
  • les indemnités journalières de maternité en compensation du salaire perdu pour la période durant laquelle la femme ne travaille pas avant et après l’accouchement;

Les victimes d’un accident de travail ont droit à des prestations en nature et/ou en espèces. En cas d’une incapacité permanente, la victime a droit à une rente. En cas de décès de la victime, les ayants droit bénéficient d’une rente. Les données ne suivent pas la logique du milieu rural, urbain, et la catégorie socio-professionnelle, mais celle du statut social des parents bénéficiaires.

Informations obtenues grâce à la Direction de l’Action Sociale (DAS): L’aide apportée aux familles est constituée des secours en nature et en espèces. Les secours en espèces se font en fonction des critères d’attributions suivants :

  • situation sociale de l’enfant (orphelin, abandonné ou indigent);
  • revenus contribuables de la famille (pension, rente, salaire);
  • efforts consentis pour l’entretien correct de l’enfant et scolarisation ou placement en apprentissage;
  • efforts de fructification de l’aide antérieure;
  • réalisation de petits projets pour une autosuffisance (donc à encourager par une autonomisation des veuves);
  • taille de la famille;
  • charge familliale.

Les dons en nature se font lors des secours d’urgence. Les données obtenues auprès de la DAS ne sont pas désagrégées mais elles regroupent la capacité d’utilisation de la structure.

 

Tableau 21: L’évolution de l’état des demandes d’aide ( reçues et satisfaites) 1991-94

Année budgétaire Nombre de demandes reçues Nombre de demandes satisfaites % des demandes satisfaites
1994 450 243 54,00
1993 239 190 79,49
1991-92 342 241 70,46

Source: Direction de l’Action Sociale (DAS), Division de l’Education Non Conventionnelle, Document non titré, non publié, 1994.

 

D’après le Tableau ci-dessus le nombre de demandes d’aide au niveau de la DAS augmente au fil des années. De 1991 à 1994 il est passé de 342 à 450 alors que la proportion de dossiers satisfaits n’évolue pas dans le même sens. Il a diminué de 70,46% en 1991 et de 54% en 1994. Cette situation fait apparaître les déficits de cet instrument en matière d’équipement et de ressources humaines évoquées un peu plus haut. La lenteur du fonctionnement des structures de l’Action Sociale est illustrée par le Tableau 22.

 

Tableau 22: Répartition du nombre de demandes satisfaites par région.

Régions Nombre de dossiers satisfaits Nombre de demandes
Dakar

Diourbel

Fatick

Kaolack

Kolda

Louga

St Louis

Thiès

Tamba

Ziguinchor

134

20

7

11

7

7

16

41

7

3

224

10

12

20

14

14

33

60

16

6

Total 253 409

Sources : Bureau de gestion, Caisse de Sécurité Sociale

 

D’après le Tableau ci-dessus le nombre de dossiers d’enfants satisfaits est plus important àDakar et à Diourbel. Ceci démontre que l’action sociale en faveur des enfants est importante à Dakar alors que dans les régions périphériques les plus touchées par les problèmes sociaux (pauvreté, analphabétisme ont une faible proportion d’enfants dont les dossiers de demande d’aide ont été satisfaits. Le nombre de demandes adressées à ces services ne correspond sans doute pas à la réalité des besoins existants, particulièrement en zone rurale. On peut dès lors imaginer les réponses si chaque famille nécessiteuse adressait une demande pour ses enfants aux Services de l’Etat. Les indicateurs de besoin de ces services pourraient être estimés à partir des indicateurs de mortalité et de morbidité.

 


 

2. VIE ET SANTE

Article 6: Survie et développement

Article 24: La santé

Evolution du budget

Le budget alloué à la santé est réparti en trois postes (personnel, matériel et médicament et transfert). L’évolution du budget de 1973 à 1993 dégage une nette tendance à la baisse. D’une proportion de 8,62% du budget national de l’état, il est passé à son niveau le plus bas (3,45%) observé en 1993. Cela est en parfaite adéquation avec la politique de désengagement de l’état sénégalais dans certains secteurs et de réduction budgétaire.

Cette réduction du budget pose de nombreux problèmes pour la prise en charge d’une population dont la grande majorité est composée de jeunes et d’enfants âgés de moins de 20 ans. Cette situation va également à l’encontre des recommandations des organisations internationales qui demandent aux états d’allouer 9% de leur budget à la santé. Il s’y ajoute également une mauvaise répartition du budget qui alloue 66,42% au personnel alors que les dépenses en médicament et équipement ne représentent que 22,86%.

 

Type et état des services

(i) Infrastructure socio-sanitaires

En 1992, la situation des infrastructures sanitaires, révèle l’existence de 45 districts, 17 hopitaux, 51 centres de santé, 714 postes de santé, 46 cliniques, 33 CPRS, 322 cabinets, quatre instituts et 1232 cases de santé. Cependant, on remarque une certaine disparité dans la répartition et le fonctionnement de ces infrastructures. Dakar avec un total de huit districts, sept hopitaux et 36 cliniques privées se trouve ainsi privilégié par rapport aux autres régions par le système actuel de santé. Les données des infrastructures sanitaires ne sont pas analysées parce qu’incomplètes.

 

Tableau 23: Répartition des infrastructures sanitaires par région, secteur public et privé, 1990

Régions Hôpitaux Centres de santé Postes de santé Cases de santé
Dakar 7

(1/116,629)

10

(1/81,640)

74

(1/11,032)

11

(1/74,218)

Diourbel 1

(1/334,236)

4

(1/83,559)

57

(1/5,863)

46

(1.7,266)

Fatick 0 5

(1/68,928)

58

(1/5,080)

272

(1/1,083)

Kaolack 1

(1/481,786)

4

((1/120,446)

64

(1/7,527)

364

(1/1,323)

Kolda 1

(1/350,259)

3

(1/116,763)

55

(1/6,368)

83

(1/4,219)

Louga 1

(1/286,230)

5

(1/57,246)

53

(1/5,400)

51

(1/5,612)

Saint-Louis 3

(1/229,495)

4

(1/97,121)

133

(1/2,920)

70

(1/5,549)

Thiès 2

(1/273,985)

9

(1/60,995)

81

(1/6,765)

87

(1/6,298)

Tambacounda 1

(1/225,872)

4

(1/56,468)

70

(1/3,226)

208

(1/1,085)

Ziguinchor 1

(1/228,605)

3

(1/76,201)

66

(1/3,463)

109

(1/2,097)

Ensemble du Sénégal 17

(1/233,928)

51

(1/77,976)

711

(1/5,593)

1298

(1/3,063)

Source: Ministère de la Santé et de l’Action Sociale,1993

 

En ce qui concerne le personnel de la santé, les 10 régions du Sénégal diposent d’un effectif de 2897 personnes travaillant dans le secteur public et 568 dans le privé (médecins, pharmaciens, sage-femmes, etc.). L’essentiel de ce personnel travaille dans la région de Dakar; les neuf autres régions disposent d’un faible potentiel de ressources humaines. Cette disproportion dans la répartition du personnel médical est dûe à la présence de la grande majorité des infrastructures sanitaires dans cette région. Cette situation est largement préjudiciable aux populations des régions périphériques qui parfois sont dans l’obligation de venir se faire soigner à Dakar. Par conséquent, les hopitaux dakarois connaissent des difficultés de la gestion de la demande en soin.

 

Tableau 24: Répartition du personnel médical et para-médical du secteur public par région

Régions Médecins Pharmaciens Sages-femmes d’état Infirmiers d’état Agents sanitaires Ensemble
Dakar 159 31 316 297 295 1098
Thiès 17 0 83 112 140 352
Louga 9 0 17 58 53 137
St Louis 14 1 37 114 151 317
Diourbel 10 0 21 59 69 159
Fatick 7 0 22 42 45 116
Kaolack 13 1 39 79 102 234
Tamba 8 1 21 60 96 186
Ziguinchor 6 1 27 41 105 180
Kolda 8 0 14 42 54 118
Total 251 35 597 904 1110 2897

Source: Ministère de la Santé et de l’Action Sociale, 1993

 

Tableau 25: Personnel médical et para-médical du secteur privé, répartition par région, 1988

REGIONS Médecins Chirurgiens dentistes Pharmaciens (*) Gynécologues Pédiatres Ensemble
Dakar 219 48 105 24 13 409
Thiès 16 2 29 0 0 47
Louga 2 0 7 0 0 9
St-Louis 7 0 18 0 0 25
Diourbel 2 0 13 0 0 15
Fatick 1 0 5 0 0 6
Kaolack 11 0 14 0 0 25
Tamba 4 0 5 0 0 9
Ziguinchor 6 2 9 0 0 17
Kolda 1 0 5 0 0 6
TOTAL 269 52 210 24 13 568

Source : MSPAS (1993)

 

Les taux de couverture des besoins sanitaires des enfants sont largement insuffisants. Ainsi on note la situation décrite par les indicateurs suivants :

  • 1 médecin pour 6814 enfants de moins de 20 ans ;
  • 1 infirmier pour 3920 enfants de moins de 20 ans ;
  • 1 agent sanitaire pour 3192 enfants de moins de 20 ans ;
  • 1 sage-femme d’état pour 5935 enfants de moins de 20 ans.

 

(ii) L’eau et assainissement.

(a) L’eau

Les sources d’approvisionnement en eau courante sont constituées de puits, de robinets et de forages moto-pompe. Le pourcentage de ces différentes sources varie selon le degré d’urbanisation de la zone. Cette situation a donné à la région de Dakar un faible pourcentage en sources traditionnelles comme les puits (4,8%) et les forages (0,1%) alors que les robinets ont un pourcentage de 91,6.

Au Sénégal, près de 92% des ménages sont alimentés en eau courante. Mais dans la plupart des cas, l’eau n’est pas disponible à l’intérieur de la maison. Ainsi l’approvisionnement en eau connait des problèmes liés à une politique urbaine discriminante et une inégale répartition de la population.

Le gouvernement a mis en place un programme d’hydraulique urbaine et rurale. Au cours de l’année 1992, les services de l’hydraulique ont réalisé un ensemble de programmes pour satisfaire les besoins en eau des populations. Ainsi en 1992, en milieu urbain on note 110 forages et huit stations de pompage sur fleuve ou lac, et en milieu rural 697 forages motorisés et 3,350 puits hydrauliques dont 600 comptent une pompe motorisée et 230 une pompe éolienne. En milieu rural, aussi existe-t-il plus de 13,000 puits traditionnels.

 

Tableau 26: Sources d’approvisionnement en eau selon la région, 1988

Régions Robinets intérieurs Robinets extérieurs Forages/ groupe Puits Autres
Dakar 41,5 50,1 0,1 0,7 3,5
Thiès 15,4 4 4,1 1,4 4,6
Kaolack 9,2 22,5 2,7 1,1 3,5
St Louis 15,2 24,2 2,7 46,7
Tamba 3 6 8,9 15,3 18,8
Ziguinchor
Fatick 4,1 18,7 9,3 3,1 2,2
Diourbel 15,3 35,4 5 1,1 4
Louga 9,4 22,38 14,86 48,77 3,59
Kolda 1,5 0,3 0,4 26 7,2

Source: Ministère de l’Economie des Finances et du Plan, RGPH 1988

 

(b) Type d’aisance

Les WC raccordés à l’égout caractérisent la région de Dakar. Ils sont moins fréquents dans les autres régions où les types d’aisance les plus répandus sont les fosses septiques. Dans les habitations à usage domestiques, le taux d’occupation des pièces est en moyenne de 2,4 personnes par pièce. Les régions de Dakar et de Kaolack ont les taux d’occupation les plus élevés (2,6) alors que la région de Tambacounda présente le taux d’occupation le plus bas du Sénégal (1,8).

 

Tableau 27: Type d’aisance selon la région, 1988

Régions Dakar Thiès Kaolack St-Louis Tamba Z’chor Fatick Diourbel Louga K o l d a
WC raccordé 47,2 0 2 5,1 1,8 1,0 1 3,1 16 16,8
Fosse septique 32,1 33,3 20,2 19,8 19,7 13,1 10,7 22,9 11,7 29
Fosse perdue 5,1 21 25,5 25,1 27,7 43,1 14,2 12,8 0,2 2
Edicule public 6,8 0,8 0,9 0,6 0,3 0,2 2,7 0,5 66,4 45, 3
Dans la nature 2,9 37 44,8 38,8 44,6 36,8 67,2 53,7 2,4 1 , 9
Autres 1,9 4,1 2,5 5,2 1 2,5 2,7 2,8 4,3
Sans réponse 4 2,6 4,3 5,4 4,9 3,2 4,3 3,4
Taux d’occupation des piéces 2,6 26 2,4 1,8 1,9 2,4 2,4

Source Ministère de l’Economie et des Finances, RGPH, 1993

 

(c) Systèmes d’évacuation des eaux usées

Sont notamment pris en compte:

  • les types de WC et leur mode d’utilisation;
  • les systemes d’évacuation des eaux vannes, les eaux de toilettes, les eaux de lavage de linge, et les eaux de cuisine.

Il est à noter que dans le cas d’assainissement individuel, les eaux vannes et les eaux de toilettes sont pratiquement rejetées dans une fosse étanche. Les eaux de lavage de linge et de cuisine sont en général rejetées sur la rue, contribuant à dégrader les conditions d’hygiène de la population.

En ce qui concerne les raisons de non raccordement au réseau des eaux usées on constate que le coût du branchement constitue le principal obstacle ainsi que celui des transformations des logements.

 

(d) Nature du sol

Les types de nature du sol trouvés dans les différentes régions du Sénégal sont: le carrelage, le ciment, l’argile/banco, le sable etc… Mais on remarque aussi que cette nature du sol varie selon le degré d’urbanisation et la situation économique des villes. C’est ainsi qu’on retrouve le carrelage plus à Dakar que dans les autres régions. A Dakar 21,1% des maisons sont carrelées alors qu’à Kolda le pourcentage de maisons carrelées est de 0,2%.

 

Tableau 28: Nature du sol, selon la région, 1988

Régions Carrelage Ciment Argile/Banco Sable Autres
Dakar 21,1 64,9 0 6,7 295
Thiès 2,2 49,9 8,1 33 7,3
Kaolack 1,2 28,6 31,7 31 6,8
St Louis 2,1 26,8 34,2 27,1 7,6
Tamba 0,5 13,4 56,3 18,7 9,8
Z’chor 0,5 27 11,2
Fatick 0,5 27,6 32,2 35,4
Diourbel 1,1 23,8 2,7 65,6 4,3
Louga 0,91 20,34 9,21 63,04 6,9
Kolda 0,2 13,7 61,6 16,6 6,5

Source: RGPH,1993

 


 

L’utilisation

(i) Infrastructures sanitaires

Au cours de l’année 1993, les indices d’utilisation des infrastructures sanitaires relèvent que 1,800,893 nouveaux cas ont été vus et traités au niveau des structures des districts, soit 23 nouveaux cas pour 100 habitants. Le nombre moyen de ce contact par malade est de 1,51 à l’échelle nationale avec des disparités régionales allant de 1,12 à Dakar à 3,82 à Zuguinchor. Cet indicateur renseigne sur le nombre de fois qu’un malade est en contact avec ces structures au cours d’une période donnée. Il est égal à l’unité, si le nombre de consultants est égal au nombre de consultations ce qui porterait à retenir plusieurs hypothèses notamment le manque de suivi des malades, le mauvais accueil, la difficulté d’accès géographique ou financier aux unités de soins etc. Le taux de retour de malades est de 51% à l’échelle nationale, c’est-à-dire qu’au plus, 51% des malades sont revenus au niveau des structures pour un autre contact. Hormis Zuguinchor qui enregistre un taux de retour de 82%, les autres régions ont des taux de retour en dessous de la moyenne nationale.

 

Tableau 29: Consultations dans les infrastructures sanitaires selon la région, 1993

Régions Consultants Consultations Contacts/malade Taux de retour % Nouveaux cas/100 habitants
Dakar 303.628 340.086 1.12 12 17
Diourbel 184.843 257,412 1.39 39 25
Fatick 137.822 169.462 1.23 23 25
Kaolack 207.040 288.993 1,40 40 22
Kolda 134.779 157.517 1.17 17 20
Louga 69.673 85.239 1.22 22 13
St Louis 226.196 311.276 1.38 38 31
Tamba 102.403 151.792 1.48 48 23
Thiès 278.335 357.016 1.28 28 26
Z’chor 156.174 596.661 1.82 82 34
Total 1.800.893 2.716.054 1.51 51 23

Source: Rapport par région et par district (Centres de Santé et Postes de Santé), 1994

 

Les indicateurs d’utilisation des services de santé se reflètent à partir des activités de consultations, d’hospitalisation et de maternité.

Les types de service les plus utilisés par la majorité de la population sont les dispensaires (415 162), les hôpitaux et les centres de santé. Ensuite viennent les services privés chrétiens, les ONG et les guérisseurs. Le taux de retour de 51% observé sur les statistiques des formations sanitaires pourrait s’expliquer par l’échec des premiers soins et les difficultés de fonctionnement de ces structures. Ces multiples problèmes sont à la base du non retour du malade pour le suivi de la consultation. Ce dernier préférant consulter les autres types de services offerts par le privé et la médecine traditionnelle.

 

Tableau 30: Hospitalisations dans les infrastructures sanitaires selon la région, 1993

Régions Lits installés Malades hospitalisés Journées d’hospitalisation Taux moyen d’occupation % Durée moyenne de séjour
Dakar 253 2,791 6,817 7 2
Diourbel 279 2,881 14,184 14 5
Fatick 285 879 7,876 8 9
Kaolack 125 6,370 9,620 21 2
Kolda 141 2,168 10,497 20 5
Louga 210 2,190 9,150 12 4
St Louis 219 18,787 78,869 99 4
Tamba 107 1,355 8,358 21 6
Thiès 251
Z’chor 196 7,443 39,636 55 5
Total 2,006 44,864 185,007 28 4

Source: Rapports régionaux et districts (Centres de Santé et Postes de Santé) 1994

 

Avec une capacité de 1815 lits (Thiès non compris), 44,864 malades ont pu être hospitalisés au niveau des centres de santé totalisant 185,007 journées d’hospitalisation. Le taux d’occupation moyen des lits qui en résulte est faible par rapport à la réalité que l’on connaît sur le terrain. Seuls 28% des lits sont occupés et chaque lit est utilisé tour à tour par 22 malades. Saint-Louis se distingue des autres régions avec ce taux d’occupation moyen des lits. Il semble que ce résultat est dû à un problème de comptes des journées d’hospitalisation plutôt qu’à un dépassement du seuil d’alerte situé à 92% des lits installés. Les durées moyennes de séjour au niveau régional semblent plus proches du vécu national qui est de 4 jours d’hospitalisation pour un malade.

En 1993 le nombre d’enfants nés vivants enregistré est de 71,688 et celui des mort-nés est de 2,385. Ce qui justifie une mortalité néonatale élevée de 32 pour 1,000. Les accouchements surveillés représentent 85% du total national ce qui laisse supposer que 15% seulement de la population féminine garde le réflexe d’accoucher àdomicile. En 1993, le nombre d’accouchements notifiés est de 3,387 et privilégie Kaolack (6è ville du Sénégal et zone centre économique) avec 826 avortements. Le pourcentage d’enfants dont le poids est inférieur à 2,500 g est de 6%; en d’autres termes, 84% des enfants ont un poids normal à la naissance. Ces résultats laissent supposer que l’état nutritionnel des mamans est très satisfaisant.

 

Tableau 31: Accouchement à la maternité et à domicile, 1993

Accouchements en maternité % Nés vivants Nés morts Avortements % d’enfants pesant <2500g %
Dakar 13 11,628 244 222 9
Diourbel 18 6,583 285 339
Fatick 17 5,296 130 151 5
Kaolack 20 10,372 198 326 4
Kolda 17 6,238 295 362 9
Louga 13 3,825 198 286 11
St Louis 19 8,140 267 270 3
Tamba 21 5,305 277 320 9
Thiès 21 10,149 315 454 3
Z’chor 18 4,152 176 157 8
TOTAL 17 71,688 2,385 3,387 6

Source : Ministère de la Santé Publique et de l’Action Sociale

 

En général lorsqu’on parle de système de santé, on fait allusion au système officiel de santé “légitime” selon la juridiction est une reproduction du modèle occidental légué par la colonisation et l’impérialisme. Cependant en opposition à ce modele officiel, institutionnalisé, (hôpital, dispensaire, poste de santé, médecin etc), il existe une pratique non officielle de la médecine dite “médecine traditionnelle”.

Ce secteur est caractérisé d’une part par l’importance de la population sénégalaise qui y a accès. La médecine traditionelle accueille quantitativement la majeure partie de la population et satisfait ses besoins de santé. D’autre part les pratiques de cette médecine sont très hétérogènes et c’est ainsi qu’on peut distinguer un ensemble de practiciens inlassables dans une même catégorie. Il s’agit des marabouts soignants avec les prières, des guérisseurs utilisant des herbes et plantes médicinales, des sorciers (“witch doctors”), des vendeurs à la sauvette de produits à vertue curative.

Selon Fassin, quantitativement, dans la commune de Pikine (commune populaire à la périphérie de Dakar) on compte un guérisseur traditionnel pour 10 maisons (Fassin, 1988). Ce chiffre probablement sous-estimé, peut représenter 100 guérisseurs traditionnels pour 30 centres de santé et cliniques privées. L’auteur a recensé 102 vendeurs (itinérants, ambulants ou fixes sur le marché du médicament) et la masse d’argent gagné durant l’année est de cinq millions de dollars alors que le Ministre de la Santé Publique ne délègue qu’une modeste somme de 0.5 million de dollars.

Compte tenu des enjeux de ce secteur traditionnel de la médecine où on note une quasi-absence de données quantitatives, la collecte de l’information a dû se faire à partir de la typologie (type et état des services, utilisation et besoins). Une telle saisie de l’information au niveau de ce secteur peut permettre de développer une meilleure orientation des systèmes de santé en matière de demande et de pression sociale.

 

(ii) Eau et assainissement

En ce qui concerne la consommation en eau:

  • milieu urbain: 40 à 100 litres/jour/personne;
  • milieu rural: 15 à 24 litres/jour/personne.

La distance idéale d’un rayon de 250 mètres pour les puits ou 5km pour les forages est loin d’être atteinte. Ces réalisations sont loin de satisfaire les besoins en eau des populations et constituent dans les pays du Sahel un épineux problème a résoudre.

 

(iii) La vaccination

Le taux de vaccination des enfants contre un certain nombre de maladies fournit un lien crucial entre service et besoin. Sur la base de la typologie (services/utilisation/besoin) la vaccination peut être reliée à la provision de services et fournir des indications sur l’accès aux services; elle peut également être reliée aux taux de mortalité, de morbidité et de handicap.

 


 

Les besoins

(a) L’état de santé de la population en septembre 1992

Selon les résultats de l’enquête sur les priorités de 1992 18% de la population du Sénégal a contracté une maladie au cours des 30 derniers jours précédant l’enquête. Ce taux reflète à la fois la prévalence des maladies chroniques et l’incidence de certaines maladies chroniques durant la période hivernale telles que le paludisme, la grippe et les maladies de la peau. Ce taux varie selon les âges et en général il est plus élevé chez les enfants et les adultes qui constituent des groupes cibles vulnérables.

 

Tableau 32: Répartition de la population (%) selon l’âge, le sexe et l’état de santé au cours des 30 derniers jours avant l’interview, 1993

Age (ans) Masculin Féminin Ensemble
< 4 23,1 21,2 22,2
5-9 16,1 14,2 15,1
10-14 13,3 11,9 12,6
15-19 11,0 13,2 12,1
20-49 15,3 20,6 18,3
50+ 28,1 26,2 27,3

Source : Direction de la Prévision et de la Statistique, Enquête sur les Priorités (ESP), 1993

 

(b) La mortalité

Le taux de mortalité infanto-juvénile est le meilleur indicateur de mesure du développement économique et social d’un pays. Au Sénégal, au fur et à mesure de l’introduction des techniques de santé, le taux de mortalité a progressivement baissé au cours de ces dernières années. Durant les périodes 1978-1982 et 1988-1992 le quotient de mortalité infanto-juvénile est passé de 198,5 pour mille à 131,4 pour mille, soit une baisse de 34%. Au cours de la même période la mortalité infantile a baissé de 24%, alors que la mortalité juvénile a chuté de 43%. Les quotients de mortalité néonatale et post-néonatale ont respectivement connu une baisse de 20% et 38%. Toutefois le caractère élevé de la mortalité des enfants révèle le besoin fondamental d’un vaste programme de lutte contre les causes de décès des enfants à savoir, la malnutrition, les maladies diarrhéiques et infectieuses.

 

Tableau 33: Taux de mortalité infantile et infanto-juvénile par type de milieu, région, ethnie

VARIABLE TAUX
Mortalité infantile 1976-1986 Mortalité infanto-juvénile 1976-1986
TYPE DE MILIEU
Milieu urbain 69,8 135,4
Milieu rural 102,3 249,6
REGION
Ouest (Dakar, Thiès) 72,8 155,7
Centre (Kaolack, Fatick, Diourbel, Louga) 93,9 244,4
Nord-Est (St.Louis, Tambacounda) 101,4 199,6
Sud (Kolda, Ziguinchor) 117,7 262,2
Ethnie
Wolof 82,0 125,5
Poular 106,9 118,2
Serer 82,6 155,9
Mandingue 86,7 191,3
Diola 99,7 111,0
Autres 106,1 114,8

Source: UNICEF 1994

 

(c) La morbidité

Les causes de morbidité sont multiples; cependant, elles varient d’une région à l’autre. L’accès palustre vient comme première cause de morbidité pour tous les groupes d’âge avec plus de 21% du total et sont marqués par des disparités régionales. Selon les chiffres du Ministère de la Santé et de l’Action Sociale, 1992, le taux de l’accès palustre est de 11,05% à Dakar et 43,93% à Kolda, les maladies diarrhéiques 8,36% à Thiès et 3,25% à Dakar. Ceci est en partie dû à la situation géographique de certaines régions où les facteurs climatiques sont souvent déterminants dans la prévalence de la maladie. En outre la prédominance la médecine curative sur celle préventive dans ces zones, participe à l’accroissement de l’état morbide de certaines maladies.

Il nous est impossible d’écrire l’impact des conditions d’hygiène et assainissement sur la vie des enfants. Le handicap majeur, les données disponibles, ne concernent que la région de Dakar car dans les autres villes la commune qui se charge de l’assainissement fonctionne de façon autonome. Ainsi nous tenons compte de cette situation et nous essayerons de combler les lacunes au moment de l’étude de cas. Il est à noter aussi qu’au niveau des villages les réseaux d’évacuation n’existent pas et ce sont les populations qui se chargent du problème de l’assainissement. Ceci entraîne le rejet des eaux et des ordures aux alentours des maisons d’où la prolifération de certaines maladies surtout chez les enfants. Si l’on prend de cas des maladies de la peau, qui dépend en grande partie aux conditions d’hygiène, on peut suggérer que la prévalence est beaucoup plus importante dans la population totale (adultes et enfants) dans les zones rurales. Mais la prévalence est de 7,52% à Kolda, une ville qui a l’aspect d’un gros village, et à Dakar se trouve une prévalence de 9,60%. Ce type de contradiction ne peut pas s’expliquer sans la possibilité de faire une disagrégation des statistiques par région. Aussi l’impact sur la population enfantine reste-t-il méconnu.

Les problèmes posés par la santé de l’enfant sont multiples et graves. Ils mettent en péril la survie de l’enfant non seulement pendant les premiers mois comme en Europe mais aussi et surtout pendant les premières années de la vie au cours desquelles la malnutrition et l’infection déciment la population infantile. Il s’agit certes, grâce à des mesures appropriées et conformes à notre environnement culturel et à notre potentiel de développement économique et social, de réduire la trop lourde mortalité infanto-juvénile, mais il est également important d’assurer aux survivants des conditions de vie qui leur permettent un développement satisfaisant. En 1960, au Sénégal, la mortalité pour la tranche d’âge de zéro à cinq ans était de 500 pour mille, avec une forte proportion de décès entre six et 36 mois (71,2% des décès) : en 1981 il a nettement baissé, mais on note une forte prépondérance de la mortalité entre six et 36 mois (238 décès pour mille, avec 57,5% des décès survenant entre six et 36 mois). En 1988, on avance le chiffre de 192 pour mille (Enda Santé, 1989).

 

Tableau 34: Mortalité des enfants de moins de cinq ans: Quotients de mortalité néonatale, post-natale, infantile, juvénile et infanto-juvénile par période de cinq ans précédant l’enquête EDSII, Sénégal 1992/93.

Nombre d’années précédent l’enquête Mortalité néonatale Mortalité post-natale Mortalité infantile <1 an % Mortalité juvénile 1-4 ans % Mortalité infanto-juvénile %
0-4 34,9 33,2 68,0 68,0 131,4
5-9 46,5 37,9 84,3 109,4 184,5
10-14 43,8 46,6 90,4 118,9 198,5
15-19 49,6 49,2 98,8 175,9 257,4
20-24 58,5 61,4 119,9 200,3 296,1

Source: Direction de la Prévision et de la Statistique

 

(d) La malnutrition

L’état nutritionnel des enfants permet en général d’appréhender les conditions socio-économiques et environnantes d’une population. Il est mesuré par deux indicateurs: la malnutrition chronique sévère liée au retard de croissance des enfants et la malnutrition chronique aiguë (émaciation).

La prévalence de la malnutrition sévère est très élevée au Sénégal (29,1%) et révèle une différence entre les filles (28,0%) et les garçons (30%). La malnutrition chronique aiguë quant à elle, se positionne à de faibles niveaux de 5,5% pour l’ensemble des enfants, 6,5% pour les garçons et 4,5% pour les filles. Les résultats de l’enquête sur les priorités (ESP) indiquent également des différences de prévalence de malnutrition chroniques sévères entre zone rurale (33,6%) et zone urbaine (22,4%). Ces indicateurs de malnutrition montrent le besoin d’intervention des enfants selon la zone, l’âge et le milieu social et deviennent ainsi pertinents pour le planificateur de santé. En définitive à travers les indicateurs de morbidité, mortalité et de malnutrition se dégagent nettement les profils de besoin en matière sanitaire des zones et des groupes cibles.

 

Tableau 35: Etat nutritionnel des enfants selon la zone de résidence et le sexe, 1993

(a) Zone rurale

Garçons Filles Ensemble
Malnutrition chronique sévère (Taille pour âge) 35,1% 37,1% 33,6%
Faible poids pour âge 25,7% 23,8% 24,8%
Poids pour taille normale 93,5% 95,9% 94,7%

(b) Zone urbaine

Garçons Filles Ensemble
Malnutrition chronique sévère (Taille pour âge) 23,0% 21,8% 22,4%
Faible poids pour âge 16,6% 17.0% 16,9%
Poids pour taille normale 93,6% 94,9% 94,2%

(c) Ensemble du Sénégal

Garçons Filles Ensemble
Malnutrition chronique sévère (Taille pour âge) 30,2% 28,0% 29,1%
Faible poids pour âge 22,0% 21,2% 21,6%
Poids pour taille normale 93,5% 95,5% 94,5%

Source: Ministère de la Santé Publique et de l’Action Sociale, 1994

 


 

Etude de cas : Hôpital de St-Louis

Type et état des services

L’hôpital de St-Louis dispose d’infrastructures sanitaires de médecine générale, de maternité et de gynécologie, de pédiatrie et de chirurgie. Les activités de ces services sont multiples et relatées par le Tableau ci-dessous.

Au sein de l’hôpital, il y a un service de surveillance générale qui est chargé de gérer le système d’information statistique ainsi que d’autres activités importantes. Ce qui se traduit par une certaine carence au niveau du traitement de l’information statistique. Bien que les autres structures fournissent des informations détaillées, les rapports ne donnent que des informations agrégées et très réduites. A ce niveau même, il n’y plus de feed back de l’information traitée vers les autres secteurs pourvoyeurs de données. Nous avons ciblé particulièrement le service de pédiatrie de l’hôpital pour analyser l’état et la qualité des données d’activité.

 

Utilisation

 

Tableau 36: Activités de consultation de l’Hôpital de St-Louis, 1993

Consultants Consultations
Médecine 17,255 17,255
Maternité/Gynécologie 6,819 6,819
Pédiatrie 7,667 7,667
Chirurgie 5,075 5,075
Ensemble 36,816 36,816

Source: Ministère de la Santé Publique et de l’Action Sociale, 1994

 

En 1993 le service de pédiatrie de l’hôpital de St-Louis a enregistré 7559 consultants et 8564 consultations d’enfants de zéro à 16 ans inclus. Ces indicateurs présentent la même allure d’évolution mensuelle. Ils atteignent leur niveau le plus bas au mois d’octobre et le plus haut niveau au mois de juillet (période marquée par l’hivernage et les maladies telles que le paludisme).

Le nombre moyen de contacts par enfant de 1,13 montre une fréquentation relativement faible du service de pédiatrie. Ceci pourrait s’expliquer par la qualité des données. Ces données sont différentes de celles déjà rassemblées par le Ministère de la Santé (Tableau ?? ci-dessus). Il est important de noter qu’au niveau des structures pédiatriques de l’hôpital de St-Louis, les données sont à jour et bien désagrégées. Pourtant, le fait que le Ministère de la Santé en ait le monopole ne nous permet pas d’en étudier le détail.

En 1993, le taux moyen d’occupation du service de pédiatrie est de 61,66%. Ce taux moyen d’occupation (TOM) relativement élevé met en évidence le manque de lits durant cette période.

L’évolution mensuelle du TOM révèle un maximum d’utilisation de 94,27% durant le mois de mars et un minimum au mois de décembre. L’analyse d’une série plus longue permettrait d’expliquer les les variations du taux d’occupation selon la saison.

 

Besoins

Nous disposons de données sur la situation de la morbidité des enfants qui fréquentent le service de pédiatrie de Saint Louis, cependant l’enregistrement n’est pas de très bonne qualité. Les diagnostics ne sont pas toujours clairs et certains symptômes comme les vomissement par exemple qui peuvent être cause de décès ne font référence à aucune maladie. Donc il serait nécessaire de regrouper et raffiner la liste des causes de morbidité mortalité.

En 1993, les maladies les plus fréquentes chez les enfants sont les maladies infectieuses: les diarrhées, la malnutrition, la déshydratation, les maladies neuro-pulmonaires constituent les premières causes de morbidité chacune de fréquences de 10% environ.

 

Tableau 37: Mortalité des enfants de moins de 16 ans à l’Hôpital de Saint-Louis, 1993

Age (ans) Décès Nombre d’enfants Taux de mortalité/1000
<1 110 538 204
1-4 76 577 132
5-16 31 343 90
ND 52
Ensemble 217 1510 426

Source: Ministère de la Santé et de l’Action Sociale, 1994

 

Notons d’emblée qu’il y s’agit ici de la mortalité découlant du mauvais fonctionnement du service de pédiatrie. Cette mortalité est très lourde avec un taux de 144 pour mille enfants hospitalisés dans la structure. Ceci peut s’expliquer par la conception populaire de l’hôpital et le non développement d’une médecine préventive. Les enfants y arrivent presque mourrants. Le taux de mortalité est plus élevé pour les enfants de moins d’un an, les plus vulnérable, et plus bas pour ceux de cinq à 16 ans. Ceci est inérhant à l’effet selectif de la mortalité.

Le lourd taux de mortalité auquel le service de pédiatrie de St Louis doit faire face est essentiellement dû aux maladies infectieuses et à la malnutrition. Les maladies les plus fatales aux enfants sont:

  • la diarrhée: 7% des décès;
  • la malnutrition: 9% des décès;
  • la déshydratation: 14% des décès;
  • la méningite: 7% des décès;
  • les maladies neuro-pulmonaires: 7% des décés.

 

Article 23: Les enfants handicapés

Dans le rapport national (Dakar, 1993, p.28), est considérée comme handicapée, toute personne ayant les formes d’handicaps suivants :

  • les handicaps moteurs (frappant les membres inférieurs ou supérieurs);
  • handicaps de la vue (cécité);
  • la lèpre;
  • handicaps mentaux;
  • les autres handicaps (surdité, mutisme) représentant un pourcentage non négligeable.

Nous n’avons pas de données désagrégées relatives aux enfants handicapés selon le milieu (rural ou urbain) mais plutôt sur les régions et la nature du handicap.

 

Tableau 38: Répartition des enfants handicapés par région et par groupe d’âge, 1988

Régions 0-4 ans 5-9 ans 10-14 ans Total %
Dakar 1690 2129 2323 6142 0,95
Louga 1573 1957 1820 5350 2,28
Ziguinchor 458 624 692 1774 0,94
Fatick 1570 1793 1785 5148 2,09
St Louis 1326 1637 1386 4349 1,37
Kolda 724 1088 861 2673 0,92
Kaolack 1273 1605 1391 4269 1,07
Thiès 1171 1808 1657 4636 1,02
Diourbel 1161 1179 975 3315 1,12
Tamba 831 954 721 2191 1,49
Emsemble 11777 14774 13611 40162 1,24

Source: UNICEF, 1994, après le Recensement Général de la Population et de l’Habitat, 1988

 

Selon le Tableau 37, un effectif de 40162 enfants handicapés a été recensé dans l’ensemble du pays. Le nombre varie selon l’âge et la localité mais aussi en fonction de l’âge: 11777 entre zéro à quatre ans, 14774 entre cinq et neuf ans, 13611 entre 10 et 14 ans. Par rapport à ces différentes tranches d’âges le nombre est toujours plus important à Dakar.

 

Tableau 39: Répartition de la population des enfants selon le handicap et le groupe d’âge pour 1000 enfants, 1988

Age Moteur Visuel Lépreux Mental Autres
0-4 1,6 0,3 0,1 0,2 9,5
5-9 3,0 0,4 1,4 0,6 6,6
10-14 4,1 0,5 1,4 1,2 7,1
15-19 4,9 0,8 1,1 1,8 7,7
0-19 2,72 0,4 0,8 0,7 6,2

Source: Direction des Statistiques et de la Prévision, Rapport National Recensement de la Population et de l’Habitat de 1988

 

Selon les informations disponibles, dans l’ensemble du pays 11,24% des enfants présentent un handicap quelconque . Cette proportion varie selon les régions avec un pourcentage plus élevé à Louga et à Fatick. Il est probable que la perception de la notion d’handicap et les lacunes de la définition officielle font que les statistiques ne sont pas tout à fait exactes.

 

Tableau 40: Aide aux enfants handicapés par région

Régions Dossiers retenus Nbre d’handicapés de 0 à 1-4 ans Montants
Dakar 76 6142 5,745,000
Diourbel 06 3315 433,000
Fatick 5148
Kaolack 01 4269 100,000
Kolda 2673
Louga 01 5350 157,000
Saint-Louis 06 4349 430,000
Thies 04 4636 310,000
Tambacounda 03 2506 192,000
Ziguinchor 1774
Total 243 40162 7,500,000

Source: DAS, 1993, Direction de la Statistique RGPH 1988

 

Selon Dr Tending (Tending, 1994, pp.1-2), la surdité, en particulier la surdité de l’enfant est un des handicaps les plus lourds du fait de ses conséquences psycholinguistiques et sociales. Au Sénégal elle a été acceptée comme une fatalité. Mais de plus en plus, grâce à l’action de sensibilisation menée par le centre verbo-tonal et la Direction de l’Action Sociale (DAS) du Ministère de la Santé et de l’Action Sociale, les populations prennent conscience de ce problème et demandent une thérapeutie, une prise en charge tant auditive que linguistique.

Sur une population de près de 8,000,000 d’habitants, la surdité représente environ 1% soit près de 80.000 sourds dont 60% sont des enfants. Les surdités congénitales sont les plus fréquentes du fait des mariages consanguins qui sont de coutume dans certaines régions du Sénégal. En effet, les surdités génétiques représentent 40% des surdités de l’enfant au Sénégal selon les études de Reynand. Parmi ces surdités, on distingue :

  • les surdités par embryopathie, foetopathie ou “pathologie de la naissance” sont notées dans une moindre proportion;
  • les surdités post-natales de type perception sont dominées par les surdités post-méningites (10% des surdités);
  • les surdités de type transmission ont pour cause essentielle les obits moyennes chroniques très fréquentes dans nos régions.

Aucun travail de dépistage à grande échelle n’a pas pu être réalisé au Sénégal par manque de moyens financiers, logistiques et matériels. Quelques essais ont été réalisés en 1984 en milieu scolaire donnant un pourcentage de 1,8% des troubles auditifs chez les enfants et en 1989 les nouveaux nés à risque donnant 0,8% des bébés suspects de surdité après le troisième au babymètre. Le dépistage et le diagnostic supposent des tests et des explorations fonctionnels qui nécessitent un minimum d’équipement. Sur ce point le Sénégal est limité car il n’existe que quelques établissements situés à Dakar où une audiométrie tonale peut être appliquée. La rééducation s’adresse aux enfants et se pratique dans deux centres: le Centre Verbo-Tonal et le Centre Eph-Phata.

 

Etude de cas du Centre Talibou Dabo

Le Centre Talibou Dabo a vu le jour en 1981 grâce à l’action du Professeur Pouye qui, par souci des problèmes de suivi sanitaire que rencontrent les enfants handicapés, a proposé au gouvernement la création de ce centre. Au début le centre fonctionnait grâce aux fonds de la Fondation Nationale de l’Assistance Sanitaire (FNAS). Le but fondamental du centre est de permettre aux enfants handicapés opérés à l’hopital le Dantec:

  • d’effectuer leur appareillage au centre;
  • de recevoir les traitements et le suivi nécessaires à leur rétablissement;
  • de bénéficier d’une éducation scolaire de base.

Ainsi les activités du centre tournent autour de la consultation, de l’appareillage, de la réeducation et de la scolarisation des enfants. Devant les multiples problèmes des enfants et la difficulté du contexte socio-économique, le centre vise d’autres objectifs à savoir:

  • la prise en charge des enfants chômeurs;
  • la mise en place d’un centre de formation;
  • le dévéloppement du centre social (couture et autres );
  • la création d’un service de réinsertion et de suivi (vision perspective);
  • l’installation d’un bloc opératoire.

La capacité d’accueil du centre s’élève entre 150 et 200 enfants bénéficiaires des oeuvres. Il fonctionne selon deux axes.

 

* L’axe éducatif

Il existe des infrastructures d’écoles primaires et secondaires pouvant accueillir 200 enfants. Chaque élève fait une modeste contribution de 3500f cfa par mois. Certains enfants d’origine modeste sont dispensés de cette participation. Les besoins de transport et restauration sont entièrement pris en charge par le centre et les soins médicaux sont gratuits.

 

* L’axe médical

 

Un docteur est placé à la tête de cette cellule qui comprend deux structures:

  • un service de consultation médicale/kinésithérapie (les malades sont opérés à l’hôpital le Dantec qui possède une infrastructure adaptée, mais ils sont appareillés et traités au centre);
  • l’atelier d’appareillage offre aux enfants tout le matériel nécessaire à leur réeducation.

Le taux d’utilisation des appareils n’est pas encore disponible.

Dans ce centre, beaucoup de lacunes ont été observées au niveau du fonctionnement:

  • des moyens financiers insuffisants pour la couverture des besoins de fonctionnement;
  • un manque de matériel (le matériel est commandé et acheté à l’extérieur et depuis la dévaluation, ces opérations ne peuvent plus se faire à cause de la surévaluation des coûts d’achats.

Notons au passage que le centre effectue des consultations payantes pour la population des quartiers environnants.

 

Etude de cas du Centre Verbo-Tonal

Le centre a été créé en 1979 par le Ministère de l’Education Nationale et grâce à l’assistance technique de la Yougoslavie. L’Externat Médico Psycho Pédagogique (EMPP) plus connu sous le nom de Verbo-Tonal est un établissement médico-scolaire d’éducation et de rééducation des enfants souffrant de déficience auditive ou atteints des troubles de la parole. Il a pour but la correction de l’audition de la parole et la démutisation des patients en vue de leur éducation dans toutes les disciplines scolaires. L’effectif actuel est de 70 enfants mais il n’a pas cessé de croître pour répondre à la demande.

L’état a mis à la disposition du centre un personnel composé d’un médecin Oto-Rhino-Laryngologiste (ORL), d’une infirmière formée à l’audiomètre, d’une assistante sociale, d’un psychologue, de rééducateurs et de professeurs de rythme.

La première phase a été réalisée avec la construction de locaux fonctionnels mais on note un manque d’équipement et il faut prévoir :

  • un laboratoire d’audioprothèse;
  • une salle de rythme avec équipement à infra-sons;
  • des ateliers de formation professionnelle (céramique, laboratoire de photocopie, batik, électricité, etc.);
  • poursuite de l’équipement en matériel scolaire et médico-pédagogique;
  • formation et perfectionnement des enseignants spécialisés pour la rééducation des patients;
  • l’affectation d’un électronicien dont l’absence porte un gros préjudice au travail du centre.

Les prestations offertes sont:

  • un diagnostic audiométrique Oto-Rhino-Laryngologiste (ORL) pour la sélection et l’orientation des élèves en fonction du trouble (les enfants complètement sourds ne sont pas acceptés au centre mais sont plutôt orientés à Eph-Phata);
  • diagnostic médical, psychologique, orthophonique (redressement des vocales);
  • psychothérapie des élèves;
  • guidance parentale (entretien périodique des parents avec le psychologue concernant les enfants et leurs relations avec leur environnement);
  • prise en charge orthophonique qui rejoint la rééducation fonctionnelle de l’appareil phonatoire (phase maternelle, phase élémentaire);
  • intégration sociale (correction de certains troubles de comportement comme l’agressivité, le vol, les fugues et les délits).

Ce processus d’éducation fonctionne en deux temps: l’éducation et l’instruction durant tout le cycle élémentaire et l’intégration professionnelle qui tente de donner des débouchés professionnels à l’enfant une fois sorti de l’école (avec un atelier éléctricité, élétromécanique, couture et art ménager).

 

Article 39: Réadaptation et réinsertion

Article 32(2): L’exploitation économique

Mesures législatives

Selon le rapport initial du Sénégal adressé au Comité relatif aux Droits de l’Enfant “la jeunesse est protégée par l’état et les collectivités locales publiques contre l’exploitation et l’abandon moral “(Gouvernement du Sénégal,1994.). Ceci est repris par le Code du Travail en son Article 140 qui prévoit que les enfants ne peuvent pas être employés dans une entreprise, même comme apprentis avant l’âge de 14 ans, sauf dérogation. Les mesures législatives suivantes sont prévues (loi 52-1322 du 15/12/1952), instituant le Code du Travail:

  • La durée de l’apprentissage ne doit pas excéder quatre ans;
  • le contrat d’apprentissage doit être constaté par écrit conformément aux dispositions prises;
  • l’employeur doit tenir un registre des apprentis;
  • l’apprenti doit avoir une carte délivrée par l’Office de la Main d’Oeuvre;
  • selon l’Article 141 l’inspecteur du travail peut réquerir l’examen des enfants par un médecin pour vérifier que le travail imposé aux enfants n’excéde pas leurs forces;
  • l’Article 70 du code du travail précise que l’employeur doit traiter les apprentis en bon père de famille.

De plus, selon Yacine Fall l’arrêté ndeg. 8127 du 29/12/1953 sous la forme d’un contrat détermine les conditions d’emploi et de suivi des apprentis (Fall 1994, p.26). En outre, concernant le travail dans les ménages l’arrêté ministériel ndeg. 974 du 27/01/1968 modifié et amélioré par l’arrêté ministériel ndeg. 3006 du 20/03/1972 spécifie les conditions d’emploi et de rémunération des domestiques et des gens de maison. Enfin la mendicité sur la voie publique est interdite par l’Article 245 (Code Pénal) loi ndeg. 75-77 du 9 juillet 1975.

 

Mesures administratives

Selon le rapport d’un séminaire des organismes non gouvernementaux et IGO sur “le travail des enfants au Sénégal” on note, concernant la réglementation une existence de la législation (BIT/ UNICEF, 1994).

Dans le Code du Travail il existe des dispositions particulières qui traitent de l’apprentissage. Deux Articles abordent l’âge et les modalités de contrôle de l’Inspection du Travail. On peut relever que le Code du Travail stipule clairement les conditions de fond et de forme de l’activité d’apprentissage. Le texte du Code du Travail est completé par des decrets d’application et des arrêtés datant de 1953, lesquels dans les détails proposent un modèle de contrat d’apprentissage.

Malgré l’existence de dispositions réglementaires et législatives, le recours à ces normes est presque inexistant. Notons que ce qui figure dans les textes n’est guère appliqué dans le secteur structuré. Le secteur informel étant en dehors de l’emprise institutionnelle, l’on y trouve beaucoup plus d’apprentis âgés de moins de 14 ans; les acteurs de ce milieu trouvent les règles officielles trop contraignantes et contraires à leurs habitudes. C’est pourquoi il convient de les amener à s’exprimer sur les régles qui doivent les régir dans la relation avec les apprentis (BIT/UNICEF,1994,18). Vu la faiblesse de moyens dont dispose l’Inspection du Travail pour intervenir sur le terrain et mettre en oeuvre des mesures administratives efficaces, un renforcement des moyens juridiques et logistiques s’avère nécessaire pour permettre d’atteindre la cible “enfant” qui de tout temps et de manière accrue, constitue l’essentiel de la main d’oeuvre.

 

Tableau 41: Pourcentage des enfants économiquement actifs dans la population âgée de 10 à 19 ans 1993

Total Economiquement actif Economiquement inactif  Total actif  Pourcentage
 Sexe masculin  177,298  35,996  23,974  59,970  34,1
 Sexe féminin  207,227  22,294  13,907  36,201  40,45
 Total  1,384,525  58,290  37,881  96,171  42,9

Source: Direction de la Prévision et de la Statistique, Enquête sur les Priorités, 1993

 

La catégorie d’enfants travailleurs nous semble d’emblée mal comptabilisée. En effet, les indicateurs quantitatifs produits jusqu’à ce jour et au niveau national ne traduisent pas la réalité. Les résultats définitifs contenus dans le Rapport National du Rencensement Général de la Population et de l’Habitat (RGPH, 1988) ne donnent pas d’indications précises sur la tranche d’âge qui nous intéresse. Nous avons seulement les pourcentages des aides familiales et des apprentis selon les régions. Dans l’ensemble ils représentent respectivement 25% et 6%.

Par contre dans le rapport régional du RGPH de Dakar, des taux d’activité existent dans la catégorie d’âge qui nous intéresse, selon deux groupes à savoir: 10-14 ans et 15-19 ans d’une part et d’autre part garçons et filles. Selon ce rapport, les pourcentages des enfants économiquement actifs sont plus élevés chez les garçons âgés de 15 à 19 ans (49,7%) contre 20,9% chez les filles du même âge. Pour ceux âgés de 10 à 14 ans on note toujours une prédominance des garçons (15%); les filles ne constituent que 9,2%.

Les Tableaux de l’étude du BIT (échantillon = 29.484, au niveau national) montrent tout d’abord que les effectifs des enfants travailleurs dans cet échantillon sont sensiblement plus importants chez le groupe d’âges 10-14 ans (Sadio, 1993). L’on se rend compte ensuite que le groupe d’âges cinq à neuf ans se répartit principalement dans cinq branches d’activités: l’agriculture 89,1%, l’élevage 6,4%, la restauration 0,5%, la couture 0,7% et la menuiserie 0,5% (il va sans lire que le travail des enfants sesitue principalement au niveau rural, et rappelons que les OIG et ONG concentrent leurs efforts au niveau urbain.) La quasi-totalité de ces enfants, comme l’étude de Zahrour le montre (Sène, 1994), se retrouve dans l’agriculture. On suppose, si l’on en croit les Tableaux précédents, qu’il s’agit là d’aides familiales. Mais à partir de l’âge de 10 ans on constate un autre type de répartition car cet âge correspond à l’apprentissage. Le secteur agricole y est toujours dominant chez filles et garçons, suivi de la couture chez les garcons et les aides domestiques chez les filles. Le pourcentage des filles dans ce dernier secteur passe de 3,8% dans le premier groupe d’âge à 23 chez les filles âgées de 10 a 14 ans.

 

Tableau 42: Répartition des enfants de six et 14 ans selon le statut d’occupation habituelle, l’âge et le sexe

SEXE MASCULIN Effectifs % Effectifs % Effectifs %
Statut d’occupation

Occupé hors du ménage

Elève

Occupé ménage

Recherche emploi

Autres inactifs

 

29,484

167,566

12,635

4,804

140,592

 

8,3

47,2

3,6

1,4

39,6

 

51,545

223,826

10,895

11,129

99,570

 

13,0

56,4

2,7

2,8

25,1

 

81,028

391,392

23,530

15,933

240,162

 

10,8

52,0

3,1

2,1

31,9

TOTAL 355,081 100 396,965 100 752,046 100
SEXE FEMININ Effectifs % Effectifs % Effectifs %
Statut d’occupation

Occupé hors du ménage

Elève

Occupé ménage

Recherche emploi

Autres inactifs

 

25,720

135,133

96,756

4,827

82,371

 

7,5

39,2

28,1

1,4

23,9

 

47,818

163,109

123,047

7,048

48,258

 

12,3

41,9

31,6

1,8

12,4

 

73,538

298,242

219,803

11,875

130,629

 

10,0

40,6

29,9

1,6

17,8

TOTAL 344,808 100 389,280 100 734,088 100
ENSEMBLE M + F Effectifs % Effectifs % Effectifs %
Statut d’occupation

Occupé hors du ménage

Elève

Occupé ménage

Recherche emploi

Autres inactifs

 

55,204

302,699

109,392

9,632

699,888

 

7,9

43,2

15,6

1,4

31,9

 

99,362

386,936

133,942

18,177

147,828

 

12,6

49,2

17,0

2,3

18,8

 

154,566

689,635

243,334

27,808

370,791

 

10,4

46,4

16,4

1,9

25,0

TOTAL 344,808 100 786,245 100 1,486,124 100

Source: Direction de la Prévision et de la Statistique, “Le travail des Enfants au Sénégal – Enquête Méthodologique” – juillet 1993 –

 

Dans la série de Tableaux sur cette étude on s’aperçoit, entre autres, que la grande majorité des enfants se compose d’aides familiales (70%) ensuite viennent les travailleurs indépendents (12,7%) et enfin les apprentis. Bien que ce rapport note que ‘la quasi-totalité des apprentis est non rémunérée’ (Sadio, 1993) on peut questionner la dominance de ce groupe dans les domaines de recherche et de planification.

Au regard des informations disponibles pour le moment, on se rend compte qu’il y a très peu d’indicateurs directs et indirects concernants les divers points retenus. Dans l’ensemble il y a même très peu de désagrégation. En effet cela se remarque au niveau du taux de scolarisation (1) et de l’identification des enfants scolarisés qui travaillent (par exemple). Pour ce dernier élément, il n’existe aucune indication. En ce qui concerne des déperditions scolaires beaucoup reste à faire du point de vue de la production d’informations régulières et fiables. Cela est tout aussi valable pour la circulation des enfants que pour les indicateurs relatifs aux enfants économiquement actifs. Il faut relever au passage que Abdoulaye Sadio dans son étude sur “Le travail des enfants au Sénégal” fournit des indicateurs selon l’âge et le sexe des enfants qui ne fréquentent pas l’école moderne mais l’école coranique.

Au regard des données recueillies à partir d’échantillons spécifiques, on recense trois catégories d’enfants travailleurs selon le type d’activités qu’ils excercent:

  • les travailleurs agricoles;
  • les apprentis dans le secteur informel;
  • les domestiques ou employés de maison.

Selon l’étude de Sadio citée plus haut et reprise lors du séminaire sur le “Travail des Enfants” co-organisé par le BIT et l’UNICEF en 1994:

  • 88% des enfants travailleurs sont des agriculteurs;
  • 5% sont des pasteurs.

La grande majorité des enfants travailleurs agricoles est constituée d’aides familliales. Pour le moment, il n’y a pas d’études qualitatives permettant d’aborder le dégré d’exposition des enfants par rapport aux risques. Néanmoins on admet que dans le milieu casamançais, par exemple, le travail dans les rizières est très dur. On note aussi que les mesures de protection notamment sanitaires sont presque inexistantes. L’apport économique de l’enfant travaillant dans le secteur agricole n’est mesurée ni dans la famille, ni dans l’économie nationale et régionale. De plus, il n’est nulle part mentionné de salaires pour permettre, entre autres, de répondre à la préoccupation qui précède. Enfin malgré l’importance du travail réalisé par Sadio, il s’avère nécessaire d’aller au delà de la répartition en deux groupes d’âges (cinq à neuf ans et 10-14 ans). Il faut cependant faire la distinction entre garçons et filles pour rendre perceptibles les écarts (Sadio, 1994).

Dans l’échantillon de cette étude, les apprentis représentent 6% des enfants travailleurs mais constituent le groupe le plus important en nombre dans le secteur informel urbain. La nature des tâches qui leur sont confiées est très variable, elle va du nettoyage des locaux à la production proprement dite en passant par les diverses commissions pour les adultes (achats de cigarettes, d’aliments). Les apprentis sont les plus exposés aux risques de tout ordre et notamment les plus jeunes.

Selon une estimation de la Direction de la Prévision et de la Statistique, en 1992, 1.56% des enfants sénégalais de six à 18 sont apprentis (DPS, 1993): ‘Pour la plupart, ils vivent en ville….80% ne sont pas rémunérés par leur patron, ce sont surtout de jeunes garçons qu’on retrouve dans les ateliers de menuiserie, de couture et de mécanique’ (UNICEF, 1993, 134-5). Bien que ceci soit certainement une sous-estimation, parce que ce rapport concerne seulement une proportion de 15% des enfants travailleurs dans ce groupe d’âge, le nombre d’enfants apprentis sur le plan national doit être plus élevé.

D’après l’étude réalisée par Socé Sène, la distribution de la moyenne d’âge des enfants travailleurs est la suivante:

  • de sept à 14 ans: 27,2%
  • de 15 à 18 ans: 41,4%
  • de 19 à 21 ans: 13,6%
  • de 21 ans à plus: 17,5%

Les plus jeunes représentent donc plus du quart des apprentis. D’autre part on note, dans la même étude, que les Seerer, et les Diola et les Wolof sont les plus nombreux parmi les apprentis (Sène, 1993, p.27). Pour revenir aux risques, Sène note: “des accidents comme les blessures pouvant exposer l’enfant à des risques de tétanos” dans le secteur de la mécanique automobile. Il y a aussi les pertes et les déformations de doigts dans le secteur de la menuiserie (ibidem, p.42). En gros l’auteur affirme “qu’il y a d’autres types d’accidents qui proviennent de l’utilisation de liquide dangereux dont l’enfant n’a pas conscience; c’est le cas des acides dans les batteries, des acides dans la bijouterie ou des bouteilles de gaz de soudure ” (ibidem, p.46). On relève aussi quelques cas d’accidents qui sont liés au poids trop lourd de certaines pièces. Ces quelques points que nous avons notés révèlent malgré tout les conditions difficiles dans lesquelles évoluent les jeunes apprentis sans compter les risques d’utilisation de la drogue. (ibidem, p.46).

La catégorie des domestiques a fait l’objet d’une étude par une équipe de l’ONG Environnement et Développement en Afrique (ENDA). Celle-ci a permis de déterminer que l’âge varie de neuf à 18 ans. La grande majorité a un âge compris entre 12 et 13 ans (86,6%). Les filles sont originaires de huit des 10 régions du Sénégal, sauf St-Louis et Kolda. Les ethnies que l’on retrouve le plus dans ce secteur sont les Seerer (majoritaires), les Joola et les Wolof.

 

Tableau 43: Répartition des petites bonnes selon la classe d’âge et le milieu d’origine

Classe d’âge/ Régions < 15 ans 15/18 ans +18 ans Total
Dakar 6,3 12,1 6,2
Dioubel 13,4 15,6 7,6 12,4
Fatick 34,8 25 22,7 28,9
Kaolack 6,3 7,8 4,5 6,2
Louga 1,6 1,5 0,8
Tamba 0,9 0,4
Thies 21,4 32,8 22,7 24,8
Ziguinchor 11,6 10,9 22,7 14,5
Etranger 2,7 3,1 6,1 3,7
Pas de réponse 2,7 3,1 2,1
Population totale 112 64 66 242

Source: ENDA JEUNESSE ACTION, 1994

 

Selon les résultats de la recherche, seulement 28,6% des filles de moins de 15 ans ont été scolarisées alors que ce taux est de 45,6% chez les 15 à 18 ans. Ceci indique que près de la moitié des domestiques de cet âge ont abandonné le milieu scolaire. Les tâches qui sont en général confiées aux domestiques le sont en fonction de leur âge et compétences. Pour les filles âgées de 15 ans les tâches tournent autour:

  • de la lessive (vêtements des bébés);
  • du nettoyage;
  • des commissions.

Pour les plus âgées, il arrive qu’on joigne à ces tâches les corvées d’eau, le transport des eaux usées, la cuisine. “Rares sont les employeurs qui prennent en charge les frais de santé de leurs employés (7,8% de la classe d’âge des 15-18 ans)”. Toujours selon notre étude de réference, les salaires sont plus que dérisoires et varient en fonction des revenus des employeurs et des liens de parenté qui peuvent exister (2000 et 7000 FCFA en moyenne). Comme pour les autres catégories, l’importance économique des domestiques au niveau familial et national n’est pas démontrée. Pourtant, on sait que les domestiques jouent un rôle très important dans la survie de familles d’origine, seulement les indicateurs ne sont pas établis. Enfin, il nous faut souligner que cette catégorie en plus des risques d’accidents de travail est exposée au droit de cuissage (voir étude précitée). Les éléments que nous venons d’évoquer, tirés d’études et de recherches sur les enfants travailleurs démontrent si l’on se refère à nos préoccupations, qu’il y a un effort certain des OIG comme l’UNICEF et le BIT dans le sens d’une meilleure connaissance des enfants travailleurs. Il va sans dire que sans une connaissance constamment réactualisée, il serait illusoire de prétendre mettre en place des mécanismes de lutte contre l’exploitation économique.

Si les données que nous venons de présenter indiquent un effort de la part des OIG et ONG vers une meilleure connaissance des enfants travailleurs ou simplement des enfants victimes d’une exploitation économique, il ne reste pas moins un chemin important à parcourir. En effet, nous avons montré à travers quelques données tirées de l’étude de Sadio que les enfants du secteur rural sont beaucoup plus nombreux; Pourtant, force est de constater qu’ils demeurent encore mal connus par les agences et les ONG. Il est donc nécessaire dans une prochaine étape du processus de recherche entamé par Childwatch International, d’entreprendre une étude qui tienne compte de la diversité des activités agricoles (agriculture, pêche, élevage, foresterie) et qui intégre les préoccupations de désagrégation de l’information quantitative et qualitative. Il y a également une nécessité d’étudier de plus près les organisations d’enfants travailleurs. Même si celles qui émergent à l’heure actuelle sont appuyées par des ONG comme ENDA Tiers-Monde (Jeunesse Action) et L’Association pour une Dynamique de Progrès Economique et Sociale, on constate qu’il n’y a pas encore d’études qui questionnent les logiques de ces associations, la pertinence de l’appui apporté à ces associations en rapport avec leur processus institutionnel et les luttes identitaires qu’elles mènent.

D’autre part, il apparaît nettement qu’un des problèmes les plus cruciaux actuellement au Sénégal est le phénomène des talibés. Dans l’Analyse de la Situation de l’Enfant et de la Femme au Sénégal, l’UNICEF déclaré ceci à ce propos:

Pour partie enfants de la rue et pour partie enfants en situation de survie, les talibés mendiants constituent sans doute la grande majorité des enfants en situations particulèrement difficiles au Sénégal. Le spectacle de ces enfants en guenilles, sillont les rues et les places publiques des grandes villes du Sénégal et tendant leurs sébiles en quête d’un peu de nourriture ou d’argent, tant pour leur propre survie que pour l’entretien de leur marabout, revêt les allures d’un fléau social (UNICEF, 1995, p. 149).

A partir de ce constat, l’UNICEF a entrepris des actions en relation avec le Gouvernement du Sénégal ainsi qu’une étude en collaboration avec la DAS (Enquête Migration/Mendicité, 1993). Les actions consistent à distribuer des vivres, des médicaments et surtout à mener des campagnes de sensibilisation de l’opinion publique sur les conditions de vie dans les daaras. A celles-ci viennent s’ajouter des subventions en espèces octroyées par la Direction de l’Action Sociale (DAS). Concernant l’étude entreprise sur les talibés, quelques points ont été relatés dans le rapport précité à savoir:

  • les caractéristiques socio-démographiques;
  • l’histoire du phénomène;
  • les conditions de vie (la mendicité, le contexte pédagogique, lesconditions sanitaires et nutritionnelles; les mauvais traitements et les dangers de la rue);
  • la societé sénégalaise face au fléau.

On trouve dans cette étude des données statistiques sur les groupes d’âge de moins de 10 ans, de 10 à 14 ans et de 15 ans et plus, la proportion des talibés non-migrants, leurs régions d’origines, leur répartition selon la profession des parents ou du tuteur et enfin la durée de la mendicité. Ces données ont sans nul doute leur importance, mais il nous semble que la question des talibés à été abordée ici selon une perspective urbaine avec comme objectif majeur de rendre compte du phénomène de la mendicité; or, le milieu rural constitue par excellence l’espace des daaras. Une approche plus systèmatique de l’institution coranique dans son ensemble permettrait de mieux rendre compte des diversités qui la caractérisent, d’avoir des indicateurs qualitatifs et quantitatifs et d’éviter de tomber dans le piège des présupposés à partir de situations urbaines uniquement.

En général, nous nous trouvons dans la première étape de la connaissance de l’exploitation économique des enfants, celle de l’identification des secteurs d’exploitation et celle de l’appui à l’auto-organisation, qui devra être approfonde grâce à des études futures. Ces études devront permettre, en effet, une meilleure identification des enfants victimes de l’exploitation économique sous toutes ses formes en partant de la conception de l’enfant comme unité d’observation et d’analyse. Dans cette perspective, l’enfant ne serait pas consideré comme objet de recherche mais plutôt comme sujet ayant une contribution déterminante dans le processus de connaissance des situations d’exploitation et de suivi de l’application de ses droits.

 


 

3. LA VIE INTELLECTUELLE ET CULTURELLE

Article 17: l’accès à l’information

Selon l’enquête BDA/UNICEF réalisée en aôut 1993 les trois majeurs points de désaccord avec la convention sont: le droit à la liberté d’expression, le droit à la liberté d’association et le droit à l’information. En effet, parmi les personnes interrogées 14,3% et 6,2% pensent respectivement que les droits à la liberté d’expression, à la liberté d’association, à l’accès à l’information doivent être limités. Dès lors on peut se poser des questions quant à la perception sociale de l’accès à l’information. Cet accès est d’ailleurs très limité (cf chapitre sur la participation des enfants). Les sources consultées ne permettent pas de savoir à quel point les enfants connaîssent leurs droits ainsi que d’autre indicateurs d’accès aux médias.

 

Article 28: l’éducation et l’instruction

Mesures sociales de l’état

Sur le plan éducatif, il existe un système scolaire et de formation professionnelle géré par l’état et dont une des raisons d’être est de protéger l’enfant contre toute forme d’exploitation. Mais, comme il est notifié dans le Plan d’Opérations du Programme de Coopération en Faveur des Enfants et des Femmes au Sénégal:

Le Sénégal connaît de nombreux problèmes liés à l’éducation fondamentale de l’enfance âgée de sept à 12 ans (le groupe d’âge du cycle primaire). En plus des facteurs quantitatifs (existence d’écoles, nombre de maîtres formés, mobilier et fournitures scolaires), les faibles taux de scolarisation (surtout des filles), les taux élevés de redoublement et de déperdition sont également dûs aux problèmes de pertinence du programme scolaire, par rapport aux aspirations réelles de la majorité des élèves, ainsi qu’à la qualité des rapports entre l’école et la communauté ((Gouvernement de Sénégal UNICEF, 1991, 133).

Parmi les facteurs qualitatifs on peut citer les contraintes extérieures qui découlent des politiques d’ajustement structurel. Une étude sur les importantes réductions budgétaires en matière d’éducation note que le budget du seul lycée de l’étude n’a pas évolué de 1981 à 1990 et qu’en 1990-91 il a subi une réduction de 40% (Gueye, 1990).

Il est bon de préciser qu’au Sénégal les efforts en faveur de l’éducation entrepris par l’état sont répartis entre le Ministère de l’Education Nationale, le Ministère du Travail et de la Formation Professionnelle et le Ministère de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues Nationales. Les données ne sont pas désagrégées pour refléter la structure par l’âge, le groupe ethnique, le groupe socio-économique et la caste.

 

Tableau 44: Niveau d’enseignement et effectifs 1992-3

Education préscolaire Enseignement élémentaire Enseignement moyen Secondaire général Secondaire technique Enseignement normal technique
Nombre d’établissements 192 2,454 293 66 19 10
Nombre de classes 589 11,910 2,776 1,050 195 27
Nombre d’élèves 17,592 738,560 136,068 46,170 7,301 1,667
% filles 49,5 42,52 36,04 33,03 34,72 17,17

(Source: Ministère de l’Education Nationale, 1992-3)

 

Tableau 45: Taux de scolarisation (%) 1991-2

Régions Ensemble Garçons Filles
Dakar 93,2 101,3 85,6
Ziguinchor 94,2 107,2 80, 4
Thiès 59,0 59,7 45,2
Saint-Louis 52,3 59,7 45,2
Fatick 41,6 48,359,7 34,6
Kolda 39,8 54,4 24,4
Kaolack 37,2 44,530,0 30,0
Tambacounda 35,6 44,8 26,3
Louga 34,8 4 4,9 25,0
Diourbel 24,6 31,1 18,4
SENEGAL 55,8 64,7 47,1

(Source, Gouvernement du Sénégal et UNICEF, 1993, 131)

 

Tableau 45: Besoin en fournitures scolaires

Livres par élève Cahiers par élève Elèves par table-banc
Existant 0,6 3,3 3,3
Idéal 2,4 6,2 2,0
Minimum 1,4 4,7 2,5

(Gouvernement du Sénégal et UNICEF, 1993, p.131)

 

Grâce au Tableau 45 on se rend mieux compte du constat cité plus haut (Gouvernement du Sénégal, UNICEF, 1991). En effet, il apparaît clairement que les nombres d’établissements et de classes sont insuffisants par rapport aux effectifs. D’autre part, le Tableau 32 indique de grandes disparités régionales quant à l’accès à l’instruction publique (écarts de plus de 50%). On constate aussi que le pourcentage des filles varie beaucoup d’une région a une autre (plus de 65% d’écarts). Enfin, plus de niveau d’éducation est élévé, plus le pourcentage des filles est faible. Par ailleurs, le Tableau 33 indique bien le manque en matière de fournitures scolaires et en particulier des livres.

Nous avons tenté de livrer succintement quelques éléments de la situation alarmante des écoles malgré les mesures de l’état au plan législatif, notamment l’Article 16 de la Constitution qui “prescrit à l’état et aux collectivités publiques de créer des conditions préabales et des institutions publiques qui garantissent l’éducation des enfants”.

 

Budget de l’éducation

En 1991-92 l’état du Sénégal a consacré 27,4% de son budget aux dépenses d’éducation contre 22,6% en 1985/86. Cette hausse sur la période est marquée par une évolution progressive en dents de scie de cette proportion du budget de l’éducation (pic de 19,7% en 1988) parallèlement, la part du budget alloué à l’enseignement élémentaire est passé de 49,1% en 1985/86 à 34,8% en 1991/92 soit une baisse sensible de 29%. Cette diminution est fortement dûe au programme d’ajustement structurel (PAS) qui a conduit le gouvernement à opérer des réductions budgétaires importantes sur les secteurs sociaux.

Une mauvaise allocation du budget de l’état attribue une grande partie des dépenses (70%) en 1992 au personnel au moment où la proportion des dépenses en matériel et en entretien des infrastructures est très faible.

 

Tableau 47: Parts du budget de l’état ou non et à l’enseignement élémentaire (%), 1991-2

Année scolaire 85/6 86/7 87/9 88/9 89/90 90/1 91/2
Budget de l’état (%) 22,6 22,8 21,9 19,1 28,1 26,8 27,4
Budget Enseignement élémentaire & total 49,1 46,0 45,0 41,1 36,6 43,2 34,8

Source: Situation Economique du Sénégal (DPS), 1993

 

Les infrastructures et besoins scolaires

 

Tableau 48: Infrastructures scolaires, 1991-2

Nombre d’écoles Elémentaire Moyen Secondaire général Secondaire technique
Publics 2831 140 32 11
Privés 203 140 33 8
Total 2434 280 65 19
Nombre de classes Elémentaire Moyen Secondaire général Secondaire technique
Publics 10186 1861 867 163
Privés 1565 869 193 32
Total 11695 2730 1900 195

Source: Situation économique du Sénégal, DPS, 1993

 

Article 31: Loisirs, vie culturelle et artistique

Les données obtenues ne permettent d’estimer que la situation régionale, l’information n’étant pas désagrégée pour refléter les autres niveaux d’analyse. L’information collectée sur l’espace de loisirs concerne deux structures: Centres Culturels et les Foyers de Jeunes. Au Sénégal on enregistre 24 centres culturels et Centres Départementaux d’Education Populaire et Sportive (CDEPS) et neuf Foyers de Jeunes. La plus grande partie de ces infrastructures est concentrée à Dakar — 10 Centres culturels et neuf Foyers (Répertoire culturel non publié, Centre Culturel de Dakar).

 

LE TRAITEMENT JURIDIQUE

Article 40: Traitement juridique

Le nombre d’enfants jugés n’est pas disponible les données existantes n’étant pas accessibles. Les données obtenues ne sont pas désagrégées. Ainsi les séparations des indicateurs selon les niveaux régional, urbain et rural n’est passable. A cela s’ajoute le problème d’accessibilité aux régistres tenus par les milieux judiciaires. L’activité des milieux judiciaires de la région de Dakar révèle que le nombre d’enfants en 1994 est plus élevé par rapport au nombre enregistré en 1993. Sur une population de 2191 mineurs ayant commis des délits en 1994, 301 ont été pris en charge par les structures de la Direction de l’Education Surveillée et de la Protection Sociale (DESPS). En 1993, 256 placements ont été effectués.

Le service de l’Action Educative en Milieu Ouvert (AEMO) a pris en charge 223 mineurs, ce qui représente plus de 2/3 des placements opérés. L’ensemble des structures fermées et semi-fermées n’ont accueilli que 78 mineurs, soit 25,95% du total de mineurs pris en charge. Notons que le CSS et le CSP ont le taux de placement le plus faible.

 

Conclusion

Ce chapitre a démontré la possibilité d’utiliser une nouvelle approche pour le développement d’indicateurs dans le domaine des droits de provision. Nous avons utilisé une typologie (services/utilisations/besoins) pour comparer les services mis à disposition avec l’accessibilité et la demande. Même si cette typologie nécessite quelques raffinements dans le cadre des futures études de cas, elle n’en constitue pas moins un potentiel pour l’identification de groupes spécifiques d’enfants dont les droits sont violés ou non accomplis.

 


 

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